À Kyoto, qui déambule sur la colline sacrée de Yoshida peut découvrir maintes stèles sur lesquelles sont gravés des haïkus issus des plus grands auteurs. C’est ce que nous révèle Corinne Atlan dans son dernier opus, haïkus de Kyoto.
Comme elle l’indique dans sa présentation « Il ne s’agira pas de tracer le portrait précis de Kyoto, mais d’en effleurer les contours et les mystères en cédant la parole aux poètes. »
Si bien que comme pour une anthologie de haïkus, l’autrice nous propose une approche sensorielle de l’ancienne capitale impériale au fil des saisons. Nous débutons avec le jour de l’an et un poème de Rojin : Un bol de laque vermillon / pour le nouveau convive – / bouillon du Nouvel An. Aussitôt nous nous imprégnons de la beauté printanière avec Buson : Dans le prunier blanc / la nuit désormais / se change en aube. Vient ensuite l’été avec son intense chaleur humide esquissée par Seisei : Fête de Gion – / Sur le brocard ancien / une perle de sueur. L’automne (1) s’installe avec son feu végétal perçu par Shiki : Dans le vieux temple / à la lueur des lanternes / le rouge des érables.
Enfin nous plongeons dans les frimas coriaces de la capitale abandonnée avec Bashô : Le saumon séché / et les moines décharnés par l’ascèse / au cœur des grands froids.
Voilà, tout est dit par l’ancienne traductrice de Murakami. La nostalgie de ses déambulations dans Kyoto (2) finissent par se confondre avec les sensations des innombrables poètes qui l’ont foulée.
L’originalité du recueil tient dans sa structure peu commune. Après une brillante introduction sur la ville et ses nombreux thuriféraires, l’ouvrage se divise en 5 saisons. Le jour de l’an pour les haïjins en est une. Ensuite une double page se compose à gauche des haïkus calligraphiés verticalement. Tandis qu’à droite leur traduction classique est rendue par l’autrice. Le tout est suivi d’une autre double page où Corinne Atlan nous immerge dans la sensation poétique en décryptant subtilement l’esprit de chacune des œuvres pour notre plus grand plaisir. Ce qui donne un accès aisé aux poèmes. Puisque, malheureusement, la traduction fait perdre une part de leur subtilité. Un ouvrage tout en finesse comme on les aime venant de la plus japonaise des Françaises.
À signaler un autre ouvrage sur le genre. Mais celui-ci se positionne du côté des haijins. Il est rédigé par un des spécialistes du haïku francophone : Dominique Chipot (3).
Dans son dernier ouvrage, LE HAÏKU en 17 clés, il nous transmet nombre de remarques tant savantes que pragmatiques pour composer un haïku dans les règles de l’art. Sans toutefois attacher trop d’importance à ces formules, voire les ignorer, à condition de les maîtriser au plus haut point. Le tout est agrémenté de nombreux exemples édifiants pour qui veut se lancer dans ce genre poétique. Un ouvrage à mettre entre toutes les mains soit pour composer soit pour mieux apprécier la quintessence de ces 17 syllabes.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique https://asiexpo.fr/un-automne-a-kyoto-de-corinne-atlan-est-sorti-chez-albin-michel/
(2) Lire notre chronique https://asiexpo.fr/petit-eloge-des-brumes-de-corinne-atlan-sort-en-librairie/
(3) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/pelerin-des-nuages-et-des-eaux-dhosai-parait-a-la-table-ronde/
Haïkus de Kyoto par Corinne Atlan, 176 pages, 19€, éd. Arléa.
LE HAÏKU en 17 clés de Dominique Chipot, 280 pages, 20€, éd. Pippa.


