L’exposition du musée Guimet est terminée. Mais il reste le formidable catalogue Haïkus d’argent, l’Asie photographiée par Michael Kenna des éditions Skira.
Depuis près de 40 ans, ce maître incontesté de la photographie minimaliste tisse des liens étroits, autant esthétiques que philosophiques, avec l’Asie. Plusieurs textes analysent d’abord ces liens. Puis le livre fait dialoguer ses photographies avec des œuvres du musée Guimet comme autant de chapitres thématiques ordonnant les thèmes communs. Ainsi « Cimes éternelles » fait se côtoyer l’encre sur papier moucheté d’or Paysage dans le style Wang Meng de Wang Xuehao avec plusieurs études des Monts Huangshan, les sublimes Deux figuiers et la montagne Pha Chao et une étude du Mont Fuji.
Ces rapprochements montrent admirablement les affinités visuelles de Michael Kenna avec les arts asiatiques classiques tels que le sumi-e ou la calligraphie. Son utilisation du noir et blanc, la sobriété des sujets : nature, paysages, éléments ; l’ampleur laissée au vide et surtout la suggestion plutôt que la description.
Philosophiquement, les rapprochements sont aussi flagrants : la lenteur, Michael Kenna peut rester des journées entières à traquer le bon moment, il peut aussi choisir 11 heures de temps de pose ! Pour chaque cliché, il vise l’excellence et retravaille chaque détail de la prise de vue au tirage puis aux retouches. Il est d’une exigence rare. Et puis il aime à revenir sur le motif. La répétition est donc une de ses caractéristiques. Ainsi, entre 2002 et 2009, l’arbre du lac Kussharo n’est jamais tout à fait le même ni tout à fait un autre. De même sa tour de garde de Gangwon-do. Et plus encore sa volonté de photographier l’invisible le rapproche de l’ascèse.
On comprend alors le titre énigmatique Haïkus d’argent. Comme le court poème qui fait surgir une émotion ou tout un monde, les photographies argentiques de Michael Kenna sont capables de faire naître un émoi de la forme d’un rocher ou de la silhouette d’un arbre. Roland Barthes, dans L’empire des signes (1970), comparait déjà le haïku à une photographie prise avec un appareil sans pellicule et dont le sens serait « un flash, une griffure de lumière », sans description ni définition, mais totalement immédiat. Là est la poésie des photographies de Michael Kenna, jusqu’à l’abstraction de 15 poteaux ou de Fleurs de papier de Maki.
D’une beauté absolue, proche de la perfection !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Haïkus d’argent, l’Asie photographiée par Michael Kenna, édition bilingue, format 23 X 29 cm, 110 images, 208 pages, 35 €, éd. Skira.

