Solitaire et peu sociable, Tamaki Suzuhara est une lycéenne jolie mais assez spéciale. Bien qu’elle repousse tous les contacts, elle a une idée très tranchée sur la vie elle-même : elle va ainsi sermonner puis sauver une suicidaire, ou offrir un pansement pour éviter les bactéries. Si elle semble détachée de tout, c’est en fait sa vie nocturne qui la motive. Pendant celle-ci, elle « chasse » les assassins, violeurs et autres hommes (ou femmes) violents pour leur prélever tous leurs organes. Elle le fait en l’honneur de chirurgien qui l’a sauvé il y a 3 ans grâce à une transplantation. L’ironie est que celui-ci est un de ses clients, profitant de leur trafic, à elle et à son associé, pour sauver des patients en opérant dans l’illégalité. La recherchant par ailleurs de son côté, le docteur Hanabusa, traqué par la Police suite à un incident criminel dans son hôpital, lance un détective privé à sa recherche…
Si l’analogie avec Dexter peut être flagrante, avec l’héroïne et son associé qui ne s’attaquent qu’à des criminels pour les faire disparaitre « utilement », le fond n’est pas exactement le même. Ici ce n’est pas la traque de la « baleine » (selon l’image que Tamaki a récupéré d’un cours) qui n’importe, celle-ci étant très rapide voir trop. Le point central est l’adolescente elle-même, ses motivations, son but ainsi que le mystère qui l’entoure. En effet le Dr Hanabusa veut la retrouver pour la « sauver », alors qu’elle est déjà opérée et il y a l’incident étrange auquel il a été mêlé. Elle est aussi intéressante pour sa personnalité car elle n’est pas aussi froide et détachée qu’elle ne le laisse paraitre. Elle révisera ainsi son jugement sur une « baleine » et acceptera de se rapprocher d’une camarade de lycée. Elle semble inaccessible par sa mentalité héritée de son activité nocturne mais si elle est peu sociable, c’est un air qu’elle se donne. Si l’histoire présente très vite le côté obscur de Tamaki et tout ce qu’il implique, ainsi que le Dr Hanabusa et sa quête, des « concurrents » apparaissent également très rapidement. Beaucoup moins scrupuleux, ils viennent perturber le business de Tamaki et Takashi, ce qui promet un bel affrontement. Le scénario est donc très dynamique avec un décor planté, des changements de routine et un adversaire sérieux dès le 1er tome. Par contre il y a des points peu (ou peut-être pas encore) crédibles comme le « talent » de Tamaki (qui n’a que 17 ans) ou son arrivée toujours au bon moment lors d’un crime mais bon, ce n’est que le début. L’ambiance quant à elle est crue, sombre et assez violente ; quoi de plus normal vu le sujet traité mais au moins rien n’est édulcoré, que ce soit visuellement et sur les implications des actes des personnages. Ce sont d’ailleurs leurs sentiments qui font le sel de l’histoire : Tamaki est fière de son travail, Takashi est très protecteur envers son business, leurs adversaires sont totalement cyniques, le détective Atô et l’inspecteur Sakurada ont une relation ambigüe, le docteur Hanabusa est très impliqué dans sa mission, etc. De son côté le graphisme, bien que classique et malgré quelques plans un peu racoleurs, fait correctement son travail ; il nous immerge facilement dans ce monde glauque et rempli de faux semblants. L’histoire ne s’étant pas tout de suite installée dans une routine, les personnages importants apparaissant rapidement, elle nous maintient en haleine. Il est évident que ce type de récit ne plaira pas à tout le monde mais il est intéressant. Attendons la suite pour confirmer cette impression.
Fabrice Docher
GIFT ± (GIFT PLUS MINUS) volume 1 de Yuka NAGATE (2015)
Thriller / drame, Japon, Komikku éditions, janvier 2017, 208 pages, livre broché 7.90 euros