Connu en France pour Scumbag Loser ou Deadtube, le scénariste Mikoto Yamaguchi s’associe avec le dessinateur Yuki Sato (Docteur Yokai) pour nous présenter Friends Games, ou Tomodachi Games en VO. Cette série lancée en 2014 au Japon s’inscrit dans la mouvance des brain fight ou survival games initiée par le succès de Death Note en son temps, et relayé par quelques titres marquant dans le domaine, comme Jeux d’Enfants la saga des King’s Game ou l’incontournable trilogie de Yoshiki Tonogai (Doubt, Judge, Secret). Ici, point de petits meurtres en ami, l’enjeu de Friends Games est celui du remboursement d’une dette par le biais de jeux sadiques, à la manière d’un Liar Game. Sauf qu’ici, la dette est commune à un groupe de personnages, dont l’amitié sera mise à très rude épreuve.
Nous suivons Yûichi Katagiri, lycéen infortuné qui enchaîne les petits boulots afin de pouvoir s’offrir une place dans le voyage scolaire, pour suivre ses quatre amis fidèles : le riche et sportif Makoto, la studieuse Shiho, le ténébreux Tenji et la douce Yutori. Seulement, à quelques jours du départ, quelqu’un a subtilisé la cagnotte du voyage scolaire. Alors que des rumeurs commencent à circuler, Yûicihi reçoit un soir une lettre qui l’invite à se rendre au lycée en pleine nuit. Il y retrouve ses amis, tout aussi étonnés que lui, mais c’est alors qu’ils se font tous capturer et assommer. A leur réveil, ils se retrouvent dans une pièce où un intriguant individu, caché sous un costume de héros de dessin animé, leur explique la situation : Yûichi et ses amis ont endossé malgré eux une dette de 20 millions de yens, et devront enchaîner des jeux pour les récupérer. Cependant, l’un d’entre eux est lui-même à l’origine de l’inscription à ce jeu sadique… En plus de se sortir de ce traquenard, il faudra en plus en retrouver le responsable ! Mais dans tout ça, qu’adviendra-t-il de leur amitié tant glorifiée ?
Ainsi, suite à cette mise en place Friends Game rentre rapidement dans le vif du sujet avec une première épreuve, basée sur un jeu très classique au Japon : le Kokkuri, qui consiste à répondre tous ensemble à une question en posant chacun un doigt sur une même pièce, pour la faire aller vers plusieurs réponses possibles. L’épreuve suit ainsi un parcours assez classique pour le genre : explication des règles, révélations, analyse du héros avant retournement de situation salvateur. Toutefois, les facilités techniques de l’épreuve ont de quoi nous rendre un peu perplexe, et les réflexions s’avèrent déjà très tarabiscotées. On reste ainsi en terrain conquis, dans un registre que l’on apprécie ou non. Le titre puise cependant son originalité dans les liens unissant les différents participants, offrant quelques séquences extérieures au jeu qui s’avèrent subtilement rafraîchissantes. Cependant, avec l’annonce de la seconde épreuve, qui s’avérera riche en révélations intimes, les beaux sentiments ne devraient pas tarder à voler en éclats.
Au niveau graphique, Yuki Sato nous offre un dessin assez plaisant. Ses personnages sont charismatiques, bien qu’un peu trop stéréotypés dans leur design, tout en restant dans un aspect réaliste. La gestion du suspens et des passages psychologiques est plutôt bien retranscrites, avec les emphases inhérentes au genre. Tout juste pourra-t-on regretter le design de Manabu, le maître du jeu, dont l’aspect « cartoon inquiétant » est devenu un gimmick usé jusqu’à l’os.
Bien que classique sous de très nombreux aspects (sa mécanique, sa narration, ses designs), Friends Games n’en reste pas moins un titre assez accrocheur, même pour ceux qui auraient pensé avoir fait le tour de cette mode. Cela est essentiellement dû à ses personnages, intéressants et développés, et de leur cohésion mutuelle qui sert à la fois les enjeux du récit et l’attachement qu’on leur porte. Ainsi, si ce premier volume n’est pas révolutionnaire, il donne largement envie d’en savoir plus. Espérons que le second confirme cette bonne lancée !
Alain Broutta
FRIENDS GAME (Tomodachi Game) volume 1 de Mikoto YAMAGUCHI et Yuki SATO (2014)
Thriller/Drame, Japon, Soleil Manga – Seinen, novembre 2016, 192 pages, livre broché 7,99 euros