Bonjour. Parlez-nous de la genèse du film ?
J’ai l’impression que les jeunes mais aussi les adultes se posent beaucoup de questions sur l’identité, sur l’appartenance. On est beaucoup plus préoccupé qu’avant par le regard des autres, à cause des réseaux sociaux. Il y a la partie de soi vraie et celle que l’on diffuse sur les réseaux sociaux. On est coincé par ce décalage entre le soi et son image, on n’est plus du tout libre de dire ce que l’on pense. Je voulais réaliser un film qui parle de la liberté, de la libération de l’image que l’on fait de soi.
Comment s’est passé votre collaboration avec la scénariste Reiko Yoshida ? c’est une œuvre originale, personnelle mais comment interagissiez-vous avec elle pour créer l’histoire ?
On travaille ensemble toujours de la même manière : je lui donne les idées principales, je fais un mémo avec les mots clés et la trame principale. A partir de cela on discute un peu, pas beaucoup, et Yoshida se met à écrire. On travaille de la même manière que cela soit une œuvre originale ou une adaptation. C’est un peu bizarre car nous ne parlons pas beaucoup et nous nous comprenons très bien, nous n’avons pas besoin des mots. Lorsqu’elle me présente la première version du scénario, je n’ai pas eu beaucoup de correction à apporter. Cela peut fonctionner ainsi car nous avons la même sensibilité.
Totsuko est synesthète, ce qui est original mais cela a dû apporter pas mal de contrainte au niveau visuel : pourquoi ce type de personnage et quels ont été vos choix au niveau des couleurs ?
Pour moi, plus que les couleurs, c’était la lumière qui était le plus important. La lumière est le rassemblement des particules et le reflet de la lumière crée plein de couleurs différentes. Le blanc représente toutes les couleurs. La lumière représente pour moi l’infini, toutes les possibilités, c’est un peu ce que je voulais mettre en scène. Il y a en réalité 2 éléments importants : les couleurs et le son.
Pour en revenir au son, vous avez une relation particulière avec la musique. Comment travaillez-vous avec les musiciens ? Avez-vous des directives ou laissez-les-vous libres ?
Je ne donne pas du tout de direction concrète, j’explique les points importants et il imagine les morceaux. On discute ensemble mais je ne dis pas qu’il faut composer un morceau sur la tristesse ou sur la ville, je ne donne pas du tout de référence je ne fais pas de commentaires très concrets, on parle plutôt de choses abstraites.
Pour le thérémine, cela a dû être un défi de le mettre dans le film ?
En fait cet instrument, le thérémine, m’intéressait depuis longtemps. En 2019 nous fêtions les 100 ans de la création de l’instrument ; je voulais faire quelque chose cette année-là pour lui rendre hommage mais cela n’a pas pu se faire. Cependant l’idée de faire quelque chose avec cet instrument dans un de mes films était là.
A un moment vous dites que tout le monde a un 6ème sens, comme Totsuko avec la couleur. Quel est le vôtre ?
(Silence) … je discute avec moi-même… Je ne veux pas rentrer dans les détails parce que cela serait beaucoup trop long mais pour moi les chiffres sont comme des personnes. Par exemple, lorsque l’on fait l’addition de 5 et 5, cela fait 10 mais quand je pense à cela, je m’imagine tout un tas d’histoires comme si ces deux 5 étaient 2 personnes. A ce moment-là j’ai une sensation assez singulière : je veux savoir si à la fin cela devient un nombre impair ou pair. C’est cette sensation qui est mon 6ème sens. Désolé c’est un peu bizarre.
Non tout le monde a des capacités, des sensibilités un peu spéciales.
C’est quelque chose que je tenais secret depuis mon enfance.
Il ne fallait alors pas en parler.
Maintenant je n’ai plus honte.
Merci de nous en parler.
Avec Garden of Remembrance, the Heike Story, The Colors Within, vous enchainez les œuvres. N’est-ce pas trop dur ? Avez-vous déjà un autre projet en cours ?
J’ai toujours eu ce rythme de travail. Même si cela parait beaucoup je ne supporte pas de rester sans rien faire, j’ai toujours de faire bouger mes mains, ma tête et mes jambes. Je suis très heureuse de cette situation et j’ai beaucoup de chance donc ce n’est pas du tout dur pour moi. Là maintenant j’ai terminé ce projet, je ne fais rien et du coup je suis envahi par l’angoisse : je sens un manque, j’ai vraiment envie de travailler.
Vu la qualité de votre travail, je pense qu’un nouveau projet arrivera très vite
Merci
Pour revenir avec votre travail, principalement entre the Heike Story et the Colors Within, une grande partie de votre staff est resté le même : est-ce un plus ou pas pour vous ?
J’adore travailler avec les personnes à qui je fais entièrement confiance, c’est vraiment un bonheur. C’est pour cela que je travaille souvent avec les mêmes personnes et en réalité cela permet de se lancer dans de nouveaux défis car on sait ce que l’on n’a pas fait et ce que l’on est capable de faire. Donc oui je voudrais continuer à travailler avec les mêmes personnes.
Ce film semble avoir une grande importance pour vous : auriez-vous un message à transmettre aux spectateurs ?
Je voudrais vraiment dire au public que rien n’est décidé à l’avance et que c’est à chacun de construire sa vie.
Cela ne doit pas être facile de mettre en scène la relation entre les 3 personnages du film, pour qu’elle soit bien compréhensible ?
En réalité on ne comprendra pas sa propre identité, ce sont les autres qui nous permettent de comprendre qui je suis et c’est comme cela que ces 3 jeunes construisent leurs relations. Ce sont nos amis qui permettent de comprendre notre identité. C’est quelque chose de très doux, cela présente la gentillesse et c’est cela ce que je voulais montrer.
D’après moi vous y êtes très bien arrivé.
Merci.
Cela fait plusieurs fois que vous venez en France : est-ce que vous l’appréciez toujours autant ?
Je ne connais que Paris et Annecy. C’est la 2ème fois que je viens à Annecy et j’adore la nature, l’histoire, la beauté de la ville. C’est très fleuri. Même le drapeau tricolore me semble beau.
Merci.
Merci à vous.