Les films réalisés dans les années 1930 par le maître Kenji Mizoguchi sont un beau témoignage de la progression de son art ainsi que de son engouement pour les œuvres occidentales. Grâce à la restauration, le public peut découvrir ou revoir trois œuvres de Mizoguchi accompagnées d’introductions très instructives quant à la technique et l’époque de réalisation : les années 1930 qui correspondent à la période réaliste de l’œuvre de Mizoguchi. Le récit est ancré dans la réalité historique et sociale. Ses films visent déjà – et ce sera une constante dans sa filmographie – à démontrer l’injustice imposée aux femmes par les hommes.
“La cigogne en papier”, réalisé en 1934, est à la lisière entre film muet et film parlant. La présence d’un narrateur – benshi – permet de palier l’absence de dialogue. Sur l’inquiétante Nuit sur le Mont-Chauve de Moussorgsky s’ouvre l’histoire de Osen, femme d’un certain âge et Sokichi, professeur. Le point de départ du film est la panne d’électricité dans une gare. Sokichi en voyant une femme seule dans un wagon voisin songe à son passé. Avant de devenir professeur, il a traversé des épreuves au cours desquelles Osen a joué un rôle primordial. Dès lors, le film se déroule comme un long flash-back. Sokichi se souvient que Osen l’a empêché de mal tourner.
Toujours avec la gente féminine pour thème central, “Oyuki la vierge” (1935) nous entraîne dans le Japon de l’ère Meiji et les soulèvements contre l’empereur. Le climat d’agitation politique pousse chacun à fuir les affrontements. Les bourgeois comme les paysans se retrouvent sur les routes, en quête de refuge. Oyuki et son amie Okin sont deux prostituées achetées par un riche paysan. Obligées de vivre ensemble, toutes les classes sociales vont devoir composer. Oyuki prouvera au cours de cette aventure que sa condition de prostituée n’affecte en rien sa dignité, bien au contraire.
Réalisé également en 1935, “Les coquelicots” met en scène un homme (Ono) devenu professeur après avoir été recueilli par le père de Sayoko, une jeune fille qu’il trouve trop puérile à son goût. L’intrigue se noue avec les vues d’une autre jeune fille : Fujio. Ono est son précepteur et l’aime beaucoup sans le montrer. Sobrement et magistralement, Mizoguchi nous fait ressentir la pression imposée par les conventions sociales sur Ono. Entre reconnaissance ultime et sentiments réels, le jeune professeur doit faire des choix cornéliens.
Éditeur : Carlotta Films
Pays : Japon