Les éditions Hazan poursuivent la réédition des incontournables de l’estampe japonaise. C’est au tour des cent vues célèbres d’Edo. L’éditeur Sakanaya Eikichi les commanda à Hiroshige en 1856. La ville avait subi un tremblement de terre et se métamorphosait à vue d’oeil. L’artiste, natif de la cité et y ayant passé la plus grande partie de sa vie, en connaissait tous les quartiers, toutes les activités. Au faîte de sa renommée, il s’empara de ce thème on ne peut plus populaire : le meisho-e.
L’ouvrage se présente sous la forme d’un beau coffret cartonné de format 17X24,5 cm, contenant un livret d’introduction générale et de présentation de chacune des estampes. Il est rédigé par Anne Séfrioui. Le livre est un leporello (orihon en japonais, pour désigner des pages reliées en accordéon) recelant non pas 100 vues mais 118 ! Absorbé par son sujet, l’artiste produit souvent plus que la commande ! La couverture est magnifiquement rehaussée de tissu vert aux reflets argentés.
Hiroshige a représenté la ville à toutes les saisons. Il en montre les sites célèbres : sanctuaires, jardins, ponts, rues commerçantes… Il en fait découvrir les lieux plus discrets, plus nostalgiques aussi, comme « le manège équestre de Hatsune à Bakuro-chô ». La présence humaine est quasi permanente. Petits personnages dans leurs activités quotidiennes, scènes anecdotiques, parfois cocasses. C’est toute l’activité de la ville la plus peuplée du monde à l’époque, deux millions d’habitants, qui est ici mise en scène. , Les loisirs ne sont pas oubliés : promenades, feux d’artifice, fêtes, pélerinages…
Mais la grande originalité de ces vues, c’est le format vertical ! C’est une véritable révolution pour le paysage ! La composition de chaque estampe est insolite, originale et audacieuse. Pour suggérer la profondeur, il met au premier plan un élément démesurément agrandi si bien que le paysage, à l’arrière-plan, apparaît dans des dimensions réduites. “Le pont de Suidôbashi et le quartier de Surugadai” en est un magnifique exemple avec sa banderole en forme de carpe pour la fête des garçons. Il n’est parfois qu’un détail d’un édifice tout entier, comme la branche de cerisier en fleurs ou le pilier d’un pont, ou même d’un corps comme dans “le bac de Haneda et le sanctuaire de Benten”.
Le tout donne l’image d’une ville dynamique en harmonie avec la nature environnante. Un bonheur pour les yeux !
En résumé : un beau coffret à mettre entre toutes les mains !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
cent vues célèbres d’Edo, Hiroshige, Hazan, 35€, novembre 2020.