Ryô est un jeune homme de vingt ans que rien ne touche vraiment. Etudiant occasionnel, il travaille le soir dans un bar pour subvenir à ses besoins. Il n’est intéressé par rien, il vit sans passion et sans implication aucune un quotidien banal, sans surprise. Un soir un ami lui présente une mystérieuse quadragénaire élégante et raffinée : Mme Midoh, qui l’intrigue sans pour autant l’intéresser. Ce n’est qu’à leur seconde rencontre – qu’elle provoque – qu’elle joue cartes sur table et lui propose de travailler pour elle dans un club pour femmes aisées. Il devient alors call-boy et y prend goût. De ce fait, il s’ouvre aux autres. Ce n’est pas tant l’aspect sexuel – bien qu’il soit très doué… – qui l’intéresse, mais bien plutôt de faire émerger, chez chacune de ses partenaires, le désir enfoui. Cela passe non seulement par l’acte physique mais aussi par la parole, par le lien qui se crée entre lui et ces femmes plus âgées, toutes très différentes, qui font remonter en Ryo… l’absence de sa mère.
Bien que son personnage soit détaché de tout, Ishida Ira parvient, par petites touches, à nous le rendre intéressant. On a même plaisir à partager son quotidien puis ses relationsn surtout suite à la mise au point que lui fait Mme Midoh : il faut s’impliquer plus avec les autres.
Dans un style simple, précis, très accessible et pas du tout pornographique ; – bien que certaines scènes soient très crues et très spéciales – Ishida Ira fouille les tréfonds psychanalytiques de son héros en cherchant à faire émerger son être profond, à s’accepter et à considérer les autres comme une moitié de lui-même. Les personnages féminins sont aussi très bien étudiés dans leurs manques, leurs frustrations. Ryo est en cela un excellent interlocuteur car il sait les écouter et jamais il ne les juge ; toujours en profonde empathie avec elles. De même l’écrivain avec son personnage lui faisant accomplir son parcours initiatique personnel et insolite.
Camille DOUZELET
Call-boy chez Philippe Picquier, 251 pages, 19.50€