L’ultime rebondissement de l’affaire de l’enlèvement de Mirei a laissé un goût très amer à l’inspecteur Ishikawa et ses collègues. Suspendu avec Tachibana pour le moment, il doit ronger son frein alors que la jeune fille qui les a tous berné et gravement blessé Haruna a disparu depuis 2 semaines. Le meurtre d’un ancien inspecteur relance les recherches mais Ishikawa doit se contenter des bribes recueillies auprès de Higa et du fantôme un peu récalcitrant du défunt pour avancer de manière officieuse sur l’enquête. Mettant toutes ses ressources parallèles en action, il arrive à trouver une piste mais il doit d’abord appeler Tachibana puis ses collègues pour pouvoir l’exploiter. Cependant Mirei se tient sur ses gardes et il va devoir ruser pour la retrouver…
Malgré le fait que Yue Kotegawa ne soit pas la scénariste, le type d’histoire correspond bien à ce qu’elle a l’habitude de nous proposer. Sans vouloir trop en dire, la fin du manga est aussi inattendue que ses précédentes œuvres, avec son lot d’incompréhension, de surprises, de fatalisme et une petite (très petite parfois) pointe d’espoir. Tout ce dernier tome est centré sur le questionnement de l’inspecteur Ishikawa sur les frontières entre le bien et le mal. Malgré les moyens plus ou moins controversés (avec ses contacts underground) qu’il utilisait pour faire avancer ses enquêtes, il ne s’était jamais départi d’une vision assez manichéiste de la vie. Mais l’enquête sur Mirei a profondément ébranlé ses convictions et ce n’est pas la grave blessure d’Haruna qui va lui remonter le moral. Il y a aussi les différentes réactions des fantômes qu’il a rencontrés, entre ceux qu’il croyait irrécupérables avant qu’ils finissent par verser des larmes, et ceux qui l’ont délibérément mis sur de fausses pistes. Le cas de l’ex-inspecteur est aussi un bon exemple : il est d’abord décrit comme corrompu, assez brutal mais protecteur envers les femmes, alors qu’il tient un réseau de call girls. Or, à son enterrement, le nombre de personnes présentes témoignent bien du fait qu’il était très apprécié et qu’il a certainement accepté son renvoi pour protéger d’autres collègues dans le besoin. L’inspecteur Ishikawa voit basculer son monde, lui qui était d’autant plus droit après son accident mortel mais il se rend de plus en plus compte qu’il y a des interprétations à faire à chaque action. De grands changements ont eu lieu pour lui, autant pour la façon de penser que pour ses relations avec ses collègues, notamment l’inspecteur Tachibana La fin de ce manga est donc assez « moraliste », ne justifiant pas tout mais disant que derrière chaque histoire, il y a souvent un drame qui a laissé des traces. Elle est aussi assez ouverte, voir trop : pas mal de questions restent en suspens (le sort de Mirei, l’avenir du héros et de la petite fille diabétique, etc.). Cet arrêt abrupt laisse un goût amer après la montée en puissance de l’histoire, à tel point que l’on se demande s’il est vraiment du fait de nos 2 mangakas. Sorte de plaidoyer sur la tolérance, la compréhension des autres, ce manga prône une ouverture vers autrui pour mieux comprendre sa propre vie.
Fabrice Docher
BORDER volume 4 de Yua KOTEGAWA et Kazuki KANESHIRO (2014)
Policier / fantastique, Japon, Komikku éditions, mai 2016, 190 pages, livre broché 8.95 euros