La jeune Yin-yi travaille pour le centre des primates de Corée du Sud. On l’appelle un jour en urgence pour récupérer une bonobo perchée dans un micocoulier. Sans guère de peine, la jeune femme parvient à ce que la primate lui saute dans les bras comme si un rapport affectif les unissait déjà.
Alors qu’elles s’en retournent au centre, le chauffeur perd le contrôle du véhicule. C’est l’accident bête qui pendant trois jours va engendrer une mutation inattendue chez l’héroïne. Transportée d’urgence à l’hôpital, son pronostic vital est engagé. Mais si le corps de Yin-yi est presque hors d’usage, ce n’est pas le cas de son intellect. Non seulement il analyse parfaitement son environnement, mais surtout il se rend compte qu’il a investi l’organisme de la bonobo. Il en est son esprit, bien que l’animalité de la jeune singe demeure !
Après de multiple péripéties, aidée de Munju, un SDF au bord du suicide, Yin-yi parviendra à rejoindre son corps pour, croit-elle, le réinvestir. Mais en réalité, elle ne maîtrise que peu de paramètres, désormais. La vie et la mort encore moins. Dans sa chambre d’hôpital, elle se retrouve confrontée à un choix inconcevable pour un humain : survivre en restant dans le corps de la primate ou réintégrer le sien et mourir.
Dans ce volumineux et dense ouvrage à deux voix, Jeong You-jeong nous livre une réflexion d’une ampleur rare en littérature. Comment réagir face à la mort, surtout quand elle arrive trop tôt ? Quant à sa propre vie, qu’en faire ?L’autrice nous livre cette réflexion : « À quoi bon vivre si c’est juste pour ne pas mourir ? » Vaste question que se pose Munju et à laquelle, il ne pourra répondre qu’en toute fin du récit. Les humains ont-ils un droit absolu sur les animaux ? Peuvent-ils les asservir tout en demeurant eux mêmes ? Mais le style n’est jamais doctoral ni sentencieux. Toujours au plus près de ses personnages, fluide et subtil.
L’ensemble des comportements humains sont également passés au peigne fin. Si au début du roman, les deux protagonistes humains ont du mal à se comprendre, leurs confrontations et leurs rapprochements finiront par les rendre inséparables.
Au final, le roman est un hymne à l’empathie et à la compassion pour toute forme de vie. On n’en attendait pas moins d’une écrivaine venue de Corée, terre de bouddhisme toute de même !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Bonobo de Jeong You-jeong, roman traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Mathilde Colo, 400 p., 22 €, éd. Picquier. En librairie le 2 septembre.