L’auteur, Olivier Weber est ancien correspondant de guerre et grand reporter. Il a cherché à trouver une distance entre lui et les affres de nos sociétés qu’il a affronté si courageusement. Pour ce faire, Il a choisi le royaume le plus haut du monde : celui de Mustang, d’à peine six mille âmes. Ce micro état vient juste d’ouvrir ses frontières à la suite de son rattachement au Népal. En effet, Il était interdit d’y pénétrer jusqu’en 1992 sans autorisation expresse de son souverain. Enclavé entre la Chine au Nord (en fait la région du Tibet) et son protecteur tutélaire au Sud, il culmine à près de cinq mille mètres d’altitude. Des sommets dépassant même plus de huit mille mètres !
C’est dire si l’expression « prendre de la hauteur » déploie tout son sens. L’auteur compare ce pays à un petit Tibet. En effet on y parle essentiellement tibétain. Ils sont bouddhistes pour la grande majorité. De nombreux moines vivent d’ailleurs dans des monastères sans âge, dans des grottes même, ou des habitations troglodytes à flanc de falaise. Le reste de la population vit en altitude d’une agriculture parcimonieuse l’été. Elle redescend dans la vallée jusqu’en Inde en hiver.
Pour pimenter le trajet, excusez du peu, il s’accompagne de Gérard, un camarade totalement aveugle et d’un ami photographe, Pierrot. Tous les trois sont guidés par un trio de Mustangais dont un de sang royal, Tsewang.
Bien sûr, pour nos vaillants grimpeurs, la marche est plus importante que la distance parcourue, les rencontres plus attirantes que la conquête d’un sommet et la réflexion intérieure plus nécessaire que les portables. Au pied de l’Annapurna, le temps ne compte plus.
Il leur faut plusieurs semaines pour accomplir leur périple au rythme que leur inspire la montagne. Ils sont loin du monde technologique, et donc, ils n’ont aucun impératif, sauf celui d’avancer afin de mieux se connaître.
Pour l’essentiel, la quête de la vie sauvage leur permet de ressentir toute la poésie qu’elle recèle. Sans être le but de cette traversée, le recueillement et la méditation sont parties intégrantes de la démarche. Mais plus que tout, peut-être, dans ce récit de voyage, la respiration de la Nature rythme le pas. En fonction de la pente à escalader, des rochers glissants où poser le pied, ou bien encore, des yaks sauvages qui les regardent passer indifférents.
Dans ce livre, l’auteur partage avec nous ses pensées brutes en toute sincérité. Pourquoi toujours se presser ? Communiquer par l’intermédiaire d’appareils de plus en plus sophistiqués en rencontrant de moins en moins de nos semblables ?
L’auteur sent la menace arriver cependant. Dans dix ou vingt ans qu’adviendra-t-il de ce confetti alors que la Chine trace sa route de la soie au travers du Népal ? Gageons qu’Olivier Weber gardera toujours un œil critique sur le devenir du Mustang. Il saura, comme il a si bien su le faire dans ce livre, nous en offrir un regard éclairant.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Au royaume de la lumière, un voyage en Himalaya, Olivier Weber, 250 p., 21€, collection Terre Humaine, éd. Plon. En librairie depuis le 20 mai.