2005 est une année difficile à négocier pour le Japon, empêtré dans une crise sans précédent avec ses voisins asiatiques, à cause de la façon brutale avec laquelle ses dirigeants ont traité le souvenir très vivace de la guerre.
Avant que d’être lié à la chute des Twin Towers de New York, le 11 septembre est une date symbolique à Singapour, car elle marque le retrait des troupes japonaises, près d’un mois après la capitulation de l’Empereur, le 15 août 1945, à l’issue d’une sanglante occupation de l’ex-colonie, abandonnée par les Britanniques en 1942. Cette année, outre la commémoration du 60e anniversaire de la fin de la guerre, des élections législatives avaient lieu au Japon, créant ainsi une certaine omniprésence nipponne sur le devant de l’actualité asiatique.
Instrument de réconciliation, le cinéma a été privilégié par l’Ambassade du Japon, d’abord en proposant, le 11 septembre, un documentaire sur SHONAN-TO (nom de Singapour durant l’occupation japonaise), suivi de la projection de “LA HARPE BIRMANE” (1956), superbe plaidoyer anti-militariste d’Ichikawa Kon, Lion d’Argent à Venise. C’était le prélude à “ADAPTATIONS”, FESTIVAL DU FILM JAPONAIS dont Ichikawa Kon était l’invité d’honneur.
Le bilan du festival “ADAPTATIONS”, très positif, donne une image d’un cinéma japonais riche et varié, pouvant à la fois s’appuyer sur un patrimoine extraordinaire et des créations enthousiasmantes. Pour ceux qui l’ignoreraient, le Japon n’est pas que le pays des manga high-tech ou des fantômes commerciaux, mais aussi probablement la seule nation asiatique capable de produire autant de bons films à l’indéniable richesse intellectuelle et culturelle. Par contraste, le cinéma singapourien, avec ses quatre films annuels, apparaît bien pauvre, quoique des films récents comme “Perth” ou “Be With Me” rehaussent le niveau des productions locales. Pays à la cinématographie découragée par le poids de la censure et l’obsession de la rentabilité, Singapour est pourtant la destination asiatique présentant le plus de festivals intéressants, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de cette cité-état, connue pour posséder le plus haut taux mondial de fréquentation des salles de cinéma par habitant.
Etienne Dessaut (correspondant Asiexpo à Singapour).
le 14 octobre 2005.
Pays : Singapour