Xavier Dorison prévient le lecteur dans un préambule qui donne toute son ampleur à l’histoire qu’il va raconter en images. Il s’agit de « l’extinction de l’âme », phénomène décrit par Philippe Zimbardo, professeur de psychologie à Stanford comme un mécanisme mental. C’est « l’arrêt complet de l’empathie d’un groupe d’humains associé à la suspension de leur jugement moral avec pour conséquences immédiates : sadisme et massacres ».
Notre scénariste en donne un exemple flagrant avec la VOC. C’est la Compagnie hollandaise des Indes orientales. Nous sommes en 1629. A cette époque, elle est la 1ère multinationale au monde. Elle est très puissante, dans une société des plus ouvertes du XVIIème siècle.
Forte de cette toute puissance : elle promulgue ses lois, frappe sa monnaie et invente même le métier de subrécargue. C’est son représentant sur le navire et ses pouvoirs dépassent ceux du capitaine. Du jamais vu ! Cette omnipotente VOC fait donc affréter un navire, le Batavia. Il devient Jakarta dans le livre. Il est rempli d’or.
À son bord, le subrécargue Francisco Delsaert, son second, l’apothicaire Jéronimus Cornélius, le capitaine Jakob et son équipage issu des pires bas-fonds d’Amsterdam. Et puis des invités. Un prêtre et sa famille et la plus improbable : Lucrétia Hans partie rejoindre son mari aux Indes après la mort de leur dernier fils.
C’est l’apothicaire qui raconte. Lui l’hérétique ruiné veut croire encore à son étoile et rêve, comme tant d’autres forçats, qu’il peut construire un monde libre. Mais à quel prix ?
On est totalement subjugué par le dessin de Thimothée Montaigne et les couleurs sombres de Clara Tessier. Des mises en pages percutantes à l’instar des aléas maritimes. De riches planches et des scènes dynamiques. La lecture est haletante et vogue de rebondissements en péripéties les plus abruptes.
Mieux qu’un cours d’histoire, une aventure ontologique !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta de Xavier Dorison pour le scénario original, Thimothée Montaigne pour le dessin et Clara Tessier pour la couleur, tome 1, 138 pages couleurs, 35€, éd. Glénat.