Le film date de 2021 et a été présenté à l’ACID du Festival de Cannes de l’an dernier. C’est l’annonce des Jeux olympiques de Tokyo de 2021 qui a donné l’idée au réalisateur de filmer. En effet, il est exploitant agricole dans la petite ville paternelle d’Okayama, dans les montagnes de Maniwa. C’est d’ailleurs là qu’il situe son intrigue. Car pour construire les infrastructures des Jeux, il faut des tonnes de gravier, extraites, notamment dans la carrière de Maniwa où de nombreux rebondissements ont lieu au cours du film.
C’est là aussi que travaille Chang-su, un Coréen du sud, ruiné par la faillite paternelle. Ce travail, certes pénible, peut lui permettre, non seulement de fonder une famille, mais aussi de rembourser la dette paternelle. Il vit, en effet, avec Minami et sa fillette qui ont fui leur foyer. Des liens forts sont en train de se tisser entre cet ancien jockey de l’équipe de Corée et la petite Japonaise férue d’équitation qui l’appelle « O-chan » (presque papa).
Dans le même temps, une lycéenne taciturne, Yamabuki, participe à des manifestations silencieuses pour l’humanité et la planète. Son père est commissaire et sa mère, journaliste, est décédée en mission au Moyen Orient. On comprend qu’elle vit très mal cette disparition et se sent peu concernée par son propre avenir.
Ces trajectoires de vie et quelques autres vont s’entrecroiser voire se percuter pour créer le cœur du film à l’image du rond-point où ont lieu les manifestations.
Et c’est tout le talent du réalisateur, qui, avec très peu de moyens, parvient à construire un drame social, évoquant, tous azimuts, l’immigration, la justice, les interactions de différents milieux. Et de façon plus intime : les liens familiaux détruits ou à (re)construire, la condition féminine dans une société japonaise très patriarcale, un sentiment de culpabilité qui va jusqu’à l’éco-anxiété.
Dans son film, Juichiro Yamasaki a voulu joué sur le nom « Yamabuki » qui désigne la corète du Japon, cette humble fleur qui pousse à l’ombre, au printemps. Elle est à l’image de « ces vies discrètes qui survivent grâce à leur force et leur vitalité » dit-il. Et qu’il met si bien au 1er plan, comme cette ville de Maniwa, bien loin de Tokyo. Mais « Yamabuki », c’est aussi, en argot, l’ancienne monnaie japonaise. La dimension économique est aussi très importante pour Chang-su et un des ressorts dramatiques de l’intrigue.
Un film donc à découvrir d’autant que son réalisateur en produit moins que de tomates !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Yamabuki, scénario et réalisation : Juichiro Yamasaki, avec Kang Yoon-soo,Kilala Inori, Yohta Kawase. Distr. Survivance. En salle le 2 août.