Dans une ville sombre du sud de la Chine, Yu Guowei dont les idéogrammes se décomposent ainsi : « vestiges – nation – glorieux » sort de prison. Alors qu’il marche au bord de la route, un subtil raccord nous plonge une dizaine d’années auparavant : 1997. Une série de meurtres odieux sur des jeunes femmes sont commis. Un corps est retrouvé non loin de l’usine où Yu Guowey, vigile modèle est chargé d’enquêter sur les vols et trafics en tous genres commis au sein de l’usine. Convoqué par la police de par la proximité des lieux, il fait sienne cette enquête et s’y investit de plus en plus. Photos, prises de notes, investigations, surveillance devant l’usine… Le tout tourne à l’obsession. Il y entraîne même la jeune femme avec qui il pourrait vivre une belle histoire d’amour. Il va jusqu’à commettre l’irréparable…
Dans une ambiance de pluie presque continue, on assiste à la fin d’une époque, la fin des « camarades ». En effet, l’usine vit ses dernières années d’activités. Les ouvriers sont de moins en moins utiles, véritables fantômes sans individualisation sous leur blouse ou leurs cirés uniformément verdâtres. Yu Guowey, tellement investi dans sa mission de détective de l’usine passe à côté de sa propre vie. L’habileté de Dong Yue est de nous faire embrasser le point de vue de ce personnage qu’il filme au plus près. Les paysages, quant à eux, se résument aux abords de l’usine, à des champs monochromes et à quelques rues boueuses, le tout filmé en plans larges et lents. Le rythme s’accélère dans une course poursuite filmée toujours sous la pluie et sur fond noir et labyrinthique de l’usine puis d’une gare de triage. Ancien chef opérateur, c’est par l’éclairage que Dong Yue enserre ses personnages dans un univers sans échappatoire et voué à disparaître. C’est magistralement qu’il nous montre que ce monde porte lui-même son deuil.
Un film noir à découvrir absolument !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Une pluie sans fin, de Dong Yue avec Duan Yihong, Jiang Yiyan, Du Yuan, 1h59.