Il s’agit d’une famille hors normes : le père vole à l’étalage et apprend à son fils toutes les combines pour faire des courses sans passer par la caisse ; la mère fait les poches des vêtements dont elle a la charge à la blanchisserie industrielle où elle travaille ; la grande fille s’exhibe dans un peep-show en tenue d’écolière et même la grand-mère a ses combines pour arrondir ses fins de mois. C’est sous son toit que la fine équipe vivote dans une bonhomie tranquille. Alors quand le père croise une petite fille de 5 ans livrée à elle-même et manifestement affamée, il n’hésite pas à l’amener à la maison. Quand la famille découvre les bleus et brûlures qu’elle a sur le corps, elle la prend sous son aile et Yuri devient la « petite sœur ». Ce n’est pas un enlèvement car « on ne la séquestre pas et on ne demande pas de rançon » !
Kore-eda a fait un triomphe au dernier festival de Cannes où il a remporté la palme d’or dont il est très fier, lui qui est entré dans le cinéma par la petite porte du documentaire de télévision. Habitué de ce festival, il y vient depuis 2001 avec des films qui ont toujours trait à la famille, à la filiation et à l’enfance. On l’avait découvert notamment avec Still Walking, sur le deuil impossible du fils aîné d’une famille, puis Tel Père, tel fils sur le destin de 2 enfants échangés à la naissance par erreur. La famille est, pour lui, une éternelle source d’inspiration, sans cesse en évolution d’autant que sa vision change en même temps qu’il avance en âge. Il la filmait avant comme un fils, maintenant comme un père dit-il en substance. Le film est plein de tendresse à l’image de cette famille chaotique pour ces enfants. Les liens du sang sont remplacés par ceux de la galère mais sont tout aussi forts. La débrouillardise se substitue à la morale. C’est avec un sens aigu du regard, à hauteur d’enfants, que Kore-eda les montre se construisant bon gré mal gré.
Une pensée particulière pour l’actrice Kirin Kiki, qui tient le rôle de la grand-mère comme dans de nombreux films japonais. Elle était notamment l’inoubliable pâtissière de dorayaki dans Les délices de Tokyo. Elle s’est éteinte en septembre dernier à l’âge de 75 ans.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON