Un été chez grand-père date de 1984. Hou Hsiao Hsien l’a tourné juste après son formidable Les Garçons de Fengkuei que l’on retrouvait dans la belle rétrospective que Carlotta proposait en 2016 (1).
Le jeune Tung-tung vient de terminer ses 6 années de primaire. L’été sonne le temps des grandes vacances. Il va les passer avec sa petite sœur Ting-ting dans la campagne taïwanaise à l’écart de Taipei, dans la grande maison de son grand-père. Le patriarche est autoritaire et toute la maisonnée lui est soumise. C’est un homme important, médecin de son état et les enfants doivent filer droit. Leur mère est à l’hôpital en attente d’une opération délicate qui cause bien du souci à la grand-mère.
Tung-tung a tôt fait de se lier d’amitié avec les garçons du village. Leur quotidien est rythmé par la nature et leurs jeux. Ting-ting a du mal à se faire intégrer à la bande.
Les adultes autour d’eux sont vus à hauteur d’enfants. Le tonton qui a mis enceinte sa petite amie est chassé par le grand-père péremptoire. La jeune « folle » du village violentée par un oiseleur indélicat est enceinte elle aussi. Les hommes vont statuer sur son sort. Deux jeunes malfrats font bientôt irruption dans la vie paisible de nos petits héros.
Hou Hsiao-hsien a puisé dans ses souvenirs d’enfance et ceux de sa coscénariste Chiu Tien-wen pour ce film personnel et poétique. Sa mise en scène est axée sur les sensations. Sa chronique douce amère des vacances enfantines révèle la part plus sombre du monde des adultes : la violence, la maladie, les compromis.
Le chef de file de la Nouvelle Vague taïwanaise a trouvé sa voie dans ces années 80. C’est avec cette veine autobiographique que naît le style épuré et contemplatif d’Hou Hsiao Hsien. Ne cherchant pas les effets, il essaie de coller au plus près de la réalité, d’où l’utilisation du plan fixe parfois. Il prend le temps de s’imprégner d’un paysage, d’un quartier, d’une sensation ou d’un sentiment.
« Mon travail de cinéaste est simplement de saisir le sentiment qui émane de ce que je filme. » Ce qui reste de ce film rare, il était invisible depuis 30 ans, c’est la trace fugace de l’enfance et des émotions qui lui sont propres. Tung-tung et Ting-ting ne seront plus jamais les mêmes à leur retour à Taipei. Joli récit d’apprentissage. Hayao Miyazaki s’en est inspiré, dit-on, pour Mon voisin Totoro.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique : Rétrospective Hou Hsiao Hsien, cinq œuvres de jeunesse : une rareté à ne pas manquer en salles actuellement. – ASIEXPO La Maison des Cultures Asiatiques
Un été chez grand-père de Hou Hsiao Hsien, Taïwan, 1984, 1h33. En salle actuellement en version restaurée et notamment au Comœdia à Lyon. https://www.cinema-comoedia.com/film/352977/

