Tokyo Fight de Jérôme Le Banner avec Karim Ben Ismaïl paraît aux Arènes.

Imaginez un petit gars du Havre adulé par des milliers de Japonais et de Japonaises. Ça parait surréaliste ! Pourtant, non, Jérôme Le Banner l’a vécu dans sa chair et son esprit.

Dans l’ouvrage, Tokyo Fight, coécrit avec Karim Ben Ismaïl, il nous dévoile ses cinquante premières années d’une vie à cent à l’heure.

Il passe une jeunesse solitaire et pleine de colère en Normandie. Ce qui très vite, l’exclut d’une vie “normale”. Il trouve dans les sports de combat sa raison d’exister.

Son parcours peut se résumer ainsi : «…le temps de deux combats, j’avais goûté à la gloire. Soupçon fugitif d’éternité. Puis je suis retombé dans le néant. C’était la boxe. Le K-1 en était la quintessence. » Tout est dit ! Le voilà engagé sur les rings de K-1 où tous les coups sont permis.

En près de cent-cinquante combats sur plus de trente ans, le gaijin, Jérôme Le Banner en dispute plus de la moitié au Japon. Aux antipodes, il trouve la reconnaissance de sa valeur. Les Japonais le distinguent par le nom honorifique de Bana-san. Des effigies en position de combat lui sont même consacrées. Certains vont jusqu’à se faire photographier devant sa maison en Normandie. C’est dire sa renommée.

Et si l’archipel nippon lui a beaucoup apporté, il le lui rend bien. En effet, s’il y a souvent combattu, il en connaît aussi les us et coutumes pointilleux qu’il respecte. Même si, parfois, ils le font enrager (cf. les passages sur les combats de chiens ou l’emprisonnement d’une de ses amies par la justice). C’est sans doute ces moments et ceux conflictuels avec sa mère qui nous le restituent au plus juste.

Le texte est aussi dense que les combats. Il est proche du langage parlé, rapide et concis comme un high-kick. Pour tout dire : il est cash. Il nous livre sa démarche et son ressenti au plus près d’un vécu tourmenté. Ce qui, la plupart du temps, l’apparente à un volcan sous pression.

Hypersensible et cérébral, la solution qu’il trouve pour aller de l’avant : c’est de foncer. La boxe est un exutoire idéal pour cela, malgré les coups portés avec fureur par ses adversaires. Peu lui chaut, il sait encaisser. De plus, il récupère vite. Ce qui ne l’empêche pas de succomber, notamment à la drogue. En toute sincérité, il l’avoue.

Il se voit avant tout comme un outsider. Ce qui lui permet de surprendre même les meilleurs pendant un affrontement. Il remporte, ainsi, de nombreux combats qui le portent au firmament de la gloire pendant d’éphémères instants.

Si l’on est admiratif devant tant de ténacité guerrière, sans pour autant partager cette folie, on reste dubitatif par la nécessité d’une pareille violence. Bien qu’il gagne beaucoup d’argent, on sent que l’envie de se dépasser le motive bien au-delà du raisonnable. Sa route n’est-elle pas parsemée de morts sans qu’il en soit la cause, bien entendu.

Si parfois, il tend à se donner le beau rôle, on doit bien lui concéder une honnêteté sans fard. Pour un plus que dur, au cœur compassionnel, cet humanisme nous le rend fort sympathique. Assagi, au cours de son ultime combat, on comprend qu’il soit allé se recueillir à Kumamoto dans la grotte du plus grand samouraï : Miyamoto Musashi (1).

Sayonara, Jérôme !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) voir notre chronique : https://asiexpo.fr/traite-des-cinq-roues-et-autres-ecrits-de-miyamoto-musashi-dans-une-traduction-integrale-de-lœuvre-originale//

Tokyo Fight de  Jérôme Le Banner avec  Karim Ben Ismaïl, 224 pages, 20 €, collection komon, éd. les Arènes.

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