Être surnaturel respecté, un golem (sans nom) a quitté son sanctuaire pour accompagner la petite Somali. Ensemble ils parcourent et découvrent le monde à la recherche de représentants de la race de la petite fille, les humains. Mais comme ceux-ci sont pourchassés depuis qu’ils ont perdu la dernière guerre, ils sont difficiles à trouver. Si pour Somali c’est une aventure, pour le golem, ce voyage est une introspection. Pourquoi fait-il cela ? Quelles sont les étranges sensations qui le parcourent ? Une longue quête commence pour ces deux êtres que tout sépare.
Si on se place du côté des humains, le monde de ce manga est loin d’être accueillant. Chassés pour être changés en esclaves ou en nourriture, ils vivent dans la peur et doivent rester discrets. Mais pour les autres espèces, pour lesquelles ils commencent à n’être plus qu’un souvenir, la paix et l’harmonie règnent. Très différentes en taille et en apparences, ces créatures fantastiques cohabitent tranquillement, chacune vaquant à ses occupations. Ne connaissant tous les deux pas grand-chose du monde, Somali et son « père » (y a-t-il une raison pour qu’elle l’appelle comme cela ?) ont beaucoup de choses à apprendre. Le Golem a un avantage avec sa relation avec la nature et son aura qui rejaillit sur les êtres qu’ils rencontrent ; son « essence » surnaturelle fascine et facilite leurs relations avec autrui. Somali elle, en plus de sa gloutonnerie, a pour elle son « humanité » : ses réactions sont plus « vivantes », mélange de joie, de peine, d’émerveillements et de surprise. Résultat, à son contact le Golem a l’impression de ressentir quelque chose. Lui qui auparavant n’avait qu’une tâche qu’il exécutait machinalement, car il était créé pour cela, il se découvre une mission, un but. Alors que tout les oppose, ensemble ils créent une dynamique qui leur fait appréhender le monde qui les entoure différemment. L’auteur a un certain talent pour nous entrainer dans son histoire ; tandis que la plupart des scènes sont banales (repas, marche, discussion, rencontres, etc.), les personnages et les lieux sont sujet à émerveillement. Entre les « monstres » très variés et la nature pleine de détails, le dépaysement est au rendez-vous. Le rythme étant lent, il n’y a pas de fioriture au niveau de la mise en scène, relativement classique. Cela permet de profiter encore plus du dessin, beau et minutieux. La finalité de l’histoire (retrouver les parents de Somali) est plus ou moins définie ; par contre les moyens pour y parvenir semblent loin d’être acquis. Et comme certains points restent à développer, nous n’avons sûrement pas fini d’être surpris, comme nos 2 héros. Rafraichissante et chaleureuse, cette œuvre sympathique mérite d’être découverte, d’autant qu’elle est recommandée par Kore Yamazaki, l’auteure de The Ancient Magus Bride. Comme cette dernière, c’est une redécouverte originale et pleine de qualités du style fantastique, dans un contexte plus médiéval.
Fabrice Docher
SOMALI ET L’ESPRIT DE LA FORET (SOMALI TO MORI NO KAMISAMA) volume 1 de Yako GUREISHI (2015)
Fantastique, Japon, Komikku éditions, novembre 2016, 178 pages, livre broché 7.90 euros