Rien ne destinait Francis Dubreuil à devenir soldat et encore moins en Indochine. Apprenti charpentier, il bascule dans la Résistance en 1943 pour échapper au STO. Puis il s’engage en 1944 pour servir la France et pour pouvoir « commander ». Il se porte ainsi volontaire et intègre le corps expéditionnaire d’Extrême-Orient en 1945. Il part aussitôt pour la Cochinchine.
Mais très vite il est affecté à la RC4, la Route Coloniale n°4, autrement baptisée route du sang ou route sanglante. Ce surnom tient lieu de titre à l’ouvrage de Claire Fourier. Le tracé dans la jungle relie Cao Bang au Nord à Lang Son au sud du Tonkin, soit un tronçon de 136 km. Le héros du récit, car c‘en est bien un, sert dans un régiment du génie.
En plus d’être soldat, son principal travail consiste à réparer la route constamment endommagée par les Viêt Cong. Il escorte les convois de ravitaillement. Pendant près trois ans d’allers et retours, il subit les embuscades perpétrées par les Hommes du général Giap. C’est là qu’il fait la connaissance de Liliane van Gover une ambulancière. S’ils éprouvent des sentiments l’un pour l’autre, ils s’en tiennent à une camaraderie de caserne tellement les circonstances accaparent leur être tout entier dans l’absurdité de leurs missions.
À la suite d’une attaque particulièrement intense de la part des communistes, les deux jeunes gens sont séparés.
faire l’apologie de la guerre ou du communisme et moins encore du colonialisme, l’autrice nous confronte à la réalité insensée des massacres mutuels tandis que les politiciens tergiversent à Paris. Quant à l‘état-major, il n’a de cesse d’envoyer des soldats de toutes origines à la mort. Ces nombreux passages nous rappellent Une sortie honorable d’Eric Vuillard. Nous retrouvons la même pertinence du récit. Leur justesse en fait des pages que l’on tourne sans jamais s’arrêter.
Et si l‘introduction de Claire Fourier nous faisait craindre de devoir subir la lecture démonstrative d’une reconstitution historique, il n’en est rien ! De façon jubilatoire, tout comme nos deux héros qui ont échappé à l’embuscade communiste, l’autrice évite cet écueil, dont bon nombre de livres historiques se retrouvent empesés.
Une œuvre à lire donc toutes affaires cessantes et surtout à méditer loin des arguties délirantes des spécialistes de plateaux télévisés.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
RC4 Route du sang de Claire Fourier, 2023, 236 p., 18€, éd. du Canoë.