Line a une double culture, française par son père et les vacances à Collioure, japonaise par sa branche maternelle. Élevée donc en grande partie au Japon, elle décide de faire des études à Paris et trouve un pied à terre chez son oncle Antoine, rue Daguerre. Le frère de son père, décédé d’un mélanome, est “transparent”. Il écrit et dessine des histoires pour enfants et en a l’évanescence.
Line retrouve alors les amis de ses vacances enfantines dans le sud, faisant eux-mêmes leurs études à Paris : Élie et son frère aîné Thibaut, Arthur, Charlotte. Elle s’intègre ainsi à leur routine, à l’instar du groupe Whatsapp créé pour l’occasion. Apéritifs au bord de la Seine, révisions de cours, sortie au Louvre ou chez d’autres amis.
Line, cependant, ne se livre jamais complètement, observe plus qu’elle ne participe. La barrière de la langue, mais peut-être plus encore, celle de sa façon d’être l’empêchent de vivre pleinement ce passage vers l’âge adulte. Les personnages de Julie Ackerer font partie de la génération Z comme elle. Elle n’a que 28 ans et signe là son premier roman. “J’ai eu envie d’aborder l’amitié à l’heure du passage à l’âge adulte, d’évoquer les petites déceptions qu’il faut tolérer pour faire durer celle-ci.”
Pour cela l’autrice raconte en variant les points de vue à chaque page ou presque, passant d’un personnage à l’autre, d’une situation à une autre sans transition, dans le même chapitre. Le lecteur construit ainsi l’histoire et le portrait de chacun des personnages comme un puzzle. Ce pointillisme lui permet d’élaborer ses propres hypothèses tout au long du roman le traversant de saison en saison sur 3 ans, puis 6 ans plus tard.
Ces années matérialisent, pour chacun, cette entrée dans la “vraie vie”, l’heure des choix qui décideront de leur propre avenir. L’autrice réussit ainsi à donner à quelques caractères. Elle rend bien aussi la géographie des lieux : Paris, Collioure, Rome, Milan, Tokyo. Elle aurait cependant pu jouer plus sur l’étrangeté de l’étrangère, la double culture. Les bobos de ces jeunes bobos parisiens peuvent sembler un peu vains.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Plonger le premier de Julie Ackerer, 256 pages, 21€, éd. Actes Sud, le 5 mars 2025 en librairie.