Dans un monde qui vit dans la crainte de la foudre rectiligne et de ses conséquences dévastatrices, un être marche seul vers une destination incertaine. Trainant dans un coffre le corps sans vie de sa bien-aimée, victime de ladite calamité, il cherche à atteindre le village des difformes. Selon les nombreuses légendes qu’il a entendu depuis tout petit, les habitants de cet endroit auraient des pouvoirs magiques, dont celui de ressusciter les morts. Plein d’espoir, Zipher a donc entrepris ce dangereux voyage avant de s’effondrer à bout de forces au milieu de nulle part. Recueilli par des personnes cachées sous de grands manteaux, il se réveille dans un lit, exactement où il souhaitait arriver. Contre l’avis de ses congénères, il a été sauvé par Domika, une timide et douce jeune femme, dont l’apparence est celle d’un renard doté des bras d’un reptile et des jambes d’un oiseau. Zipher se montre aimable et serviable, remerciant même les villageois par un feux d’artifice, en attendant de pouvoir rencontrer le maire et lui expliquer son cas. Mais la rencontre avec ce dernier ne se déroule pas bien : il lui annonce en effet qu’il n’a aucun moyen d’accéder à sa requête. Mais Zipher ne veut pas baisser les bras…
La collection Latitudes de Ki-oon s’enrichit d’un titre inattendu mais ayant parfaitement sa place dedans. Tout en couleurs et dans le sens de lecture occidentale, Pandemonium profite de son grand format pour affirmer son style relativement éloigné du manga, pouvant ainsi convenir même à ceux qui en sont réfractaires. En effet tous les personnages sont des animaux anthropomorphiques. Néanmoins leur côté relativement mignon est contrebalancé par l’aspect étrange des « difformes », mélange improbable de plusieurs espèces, accentué par les tons ocres qui dominent tout le récit. L’ensemble est assez proche du style burtonien (notamment l’Etrange Noël de Monsieur Jack) et comme ce dernier tend vers le conte de fée qui aurait été perverti sur certains points. Ainsi la relative légèreté des propos, les moments calmes, la douceur de Domika les feux d’artifice ne cachent pas certains mystères étranges et il ne faut pas oublier que Zipher souhaite la résurrection de sa petite amie, dont il traine avec lui le cadavre. Il s’agit du personnage aux motivations les plus simples car même s’il emploie des moyens détournés pour se faire accepter, il ne désire qu’une seule chose et il est prêt à endurer n’importe quoi pour cela. Les habitants du village des difformes sont soudés entre eux mais nous ne savons pas pour le moment pourquoi ils ont une telle apparence et quelle est leur finalité, leur raison de vivre au-delà de leur quotidien banal et rude. Et il y a aussi la foudre rectiligne, toujours mystérieuse mais qui risque d’apporter d’autres problèmes. Entre onirisme et cauchemar éveillé, nous naviguons dans une histoire plus complexe qu’il n’y parait, assez sombre voire relativement désespérée. Face la passivité ambiante imposée par un destin qui semble insurmontable, la volonté de Zipher, la gentillesse de Domika apparaissent comme deux lumières, deux espoirs que nous avons envie de suivre. Et comme la qualité visuelle de l’œuvre n’a d’égale que la très belle édition de Ki-oon, il n’y a aucune raison de ne pas le faire.
Éditeur : Ki-oon Latitudes
Pays : Japon