L’année dernière, à la même époque, on découvrait, médusés, le thriller crasseux et stylisé Limbo du même Soi Cheang. Depuis on guette ses sorties et voilà Mad fate. L’on n’est pas déçu.
Comme son titre l’indique, il est question de destin et de folie qui affleure. La 1ère scène donne le ton. Nuit d’orage, dans un cimetière, un maître de feng shui tente de changer le destin d’une prostituée qui doit mourir. Mais, comme dans la tragédie grecque, le fatum doit advenir. Le maître retrouve ainsi la jeune femme morte, dans son appartement, sous les coups d’un serial killer. Un jeune livreur arrive à ce moment-là, fasciné et comme hypnotisé par le sang. L’inspecteur qui suit l’enquête le connaît bien et reconnaît en lui un psychopathe-né. Le maître de feng shui lui dit d’ailleurs que sa vie est vouée à l’échec, que son destin est funeste. C’est pour cela qu’il lui propose de tout faire pour le changer.
Le mélange des 3 intrigues constitue le film, à la fois thriller, giallo et drame policier mâtiné d’humour. Dans la bande son notamment, avec des musiques décalées. Soi Cheong a abandonné le noir et blanc pour des couleurs très « giallesques ». Mais sa radicalité est toujours bien présente dans sa description des bas-fonds de Hong Kong. Prostituées, mystiques et psychopathes y cohabitent dans un dédale de rues et ruelles glauques à souhait, sous des néons multicolores.
Les lieux, comme les personnages ne sont pas nommés, mais représentent des positions, des attitudes face à la vie, à ce fameux destin. L’espoir, la communication avec un dieu ou un quelconque au-delà, y sont présents dans le temple de la rue principale ou sur le toit où vit le maître de feng shui (1), lieu totalement improbable avec ses antennes paraboliques ! Quant aux personnages, ils incarnent respectivement l’empathie pour le maître, les désirs pour le livreur, la rationalité pour le policier. Car il est radicalement question de la condition humaine dans ce film de genres.
« Faire volte face à son destin est le drame de l’humanité » et c’en est une magistrale démonstration à la fois folle et désenchantée, mais non dénuée d’espoir.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) magnifiquement interprété par Lam Ka Tung, qui jouait déjà dans Limbo.
Mad fate, scénario de Yau Nai-Hoi et Melvin Li et réalisation de Soi Cheang, avec Lam Ka Tung, Lokman Yeung, 2023, 108 mn, en salle le 17 juillet.
Bande-annonce : https://carlottafilms.com/films/mad-fate/