Fidèles à leur orientation hautement spirituelle, les éditions Synchronique nous gratifient d’un somptueux ouvrage, l’Éternelle Sagesse du Tao. Tant par le contenu malicieux que par la richesse iconographique, nous sommes conquis.
Stephen Mitchell a choisi et a commenté 64 contes taoïstes. Tchouang-tseu avait raconté un bon nombre d’entre eux en son temps : vers 369-286 avant notre ère. Au moyen de joyeuses paraboles, il nous immerge ainsi dans le Tao sans se départir du quotidien. Un vrai tour de force ! Et l‘éditeur y a joint quelques parabole d’une autre anthologie chinoise, le tchoung young attribué à Tseu-sseu vers 483- 402 avant notre ère. C’est le petit-fils de Confucius. Que nous dit en substance le Tao ? Rien ! Car il n’a rien à nous enseigner. Seul l’apprentissage personnel est bénéfique. C’est en cela qu’il est présent en chacun de nous. « Le centre de l’univers est le centre de soi-même » nous glisse également Tchouang-tseu. Seul le flot de pensées nous en fait sortir, « Le centre est toujours à moins d’une pensée de distance », ajoute-t-il encore.
Pour rendre sa réflexion un peu plus accessible, tout de même, on peut s’inspirer d’un maître zen, à qui un de ses disciples demandait ce qu’était l’essence de la sagesse. Il répondit : « Quand le printemps arrive, l’herbe pousse d’elle même ». Tout est dit, non ? On retrouve là des notions chan (zen). Car, En effet, cette doctrine est la synthèse de la spontanéité taoïste chinoise avec la pensée libératrice bouddhiste indienne.
Sinon, les principaux thèmes des paraboles choisies prônent la nature comme modèle d’harmonie que l’humain serait bien avisé de suivre. Un écologiste avant l’heure, en somme ! Il encourage le détachement des désirs et l’acceptation du changement. « Le monde nous apparaît selon la façon dont nous le regardons, chaque chose existe en elle-même. », répète-t-il inlassablement.
On voit déjà au travers de ces quelques intuitions de Tchouang-tseu, l’antisystème qu’il prône sous de multiple formes. Non pas qu’il fût anarchiste, nous dit Stephen Mitchell, mais « c‘est quelqu’un qui ne s’attarde sur aucune construction mentale ». Il est l’exemple même de ce qu’il énonce : l’irrévérence et la subversion.
Si à son époque, ce genre de comportement s’avérait nécessaire, que dire de la nôtre. Elle qui considère le citoyen uniquement comme un consommateur compulsif. Voilà un bon instrument pour reprendre le sens de sa vie.
Si ces œuvres ne donneront pas de certitude au lecteur, tout au moins, elles l’aideront à mieux se connaître et par là-même, mieux appréhender le monde qui l’entoure.
L’ensemble de ces pensées sont une exégèse sous la forme de commentaire très libre au demeurant. Ce qui rend la lecture très fluide et surtout attrayante. Elles permettent au lecteur de s’immerger pleinement dans le Tao sans effort conceptuel parasite.
Pour ceux qui s’intéressent avant tout au texte, les éditions Synchronique ont aussi publié ce même recueil en format de poche, donc sans les illustrations, bien sûr.
Afin d’aller plus en profondeur encore, et surtout pour commencer par le début, il est à signaler que les mêmes éditions ont publié, Vivre en harmonie avec le TAO, de Lao tseu (VIè s.- Vè s. avant notre ère), on revient à lui. Chacun des 81 chapitres du Tao te king y est fidèlement consigné. La traduction et les annotations sont de Francis Pring-Mill. Le tout supervisé par le spécialiste maison : Stephen Mitchell. Grand merci à lui aussi !T
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
L’éternelle sagesse du Tao, le rire de Tchouang-Tseu, 19,50€, collection grands classiques illustrés, éd. Synchronique.
L’éternelle sagesse du Tao, le rire de Tchouang-Tseu, 7,50€, collection petits classiques, éd. Synchronique.
Vivre en harmonie avec le TAO, de Lao tseu, éd. Synchronique, 20€.