Début 2020, le bédétiste Julien Frey décide d’offrir à Joanne, sa fille de 10 ans, de vivre son rêve d’animaux. Ils partent en Indonésie, accompagnés de deux biologistes, le Professeur Johan Michaux et sa thésarde Chloé, sur la route des espèces en danger. Les Sauvages en est le récit en images.
Les premiers sont les éléphants de Sumatra. Pour sa thèse, Chloé a besoin, entre autres, d’étudier leurs fèces. Ce sont leurs crottes. Mais il faut dire qu’à Sumatra, il y a bon nombres d’éléphants… captifs. En effet, dans les années 70, le dictateur Soharto a largement contribué à la déforestation de l’île pour y loger les habitants de Java qui n’avaient plus de place. Les éléphants délogés ont été capturés et vivent depuis une chaîne à la patte dans le parc Way Kambar.
Cette déforestation continue de nos jours pour produire de l’huile de palme. Les enjeux économiques et la corruption politique donnent naissance à des forêts immenses de palmiers à huile ou d’hévéas pour le caoutchouc. Et lorsque les sols sont épuisés par ces cultures, les terrains sont revendus à vil prix à des compagnies minières.
Pendant ce temps-là, la biodiversité si nécessaire à la survie de la planète, diminue à grands pas. Le lecteur s’émerveille avec la petite équipe qui découvre le héron pourpré, le serpent liane, les macaques à queue de cochon, le pygargue et autre poisson grenouille. Mais à chaque fois les 2 biologistes alertent, expliquent. La déforestation et le braconnage créent un tel déséquilibre que des espèces n’existeront plus à très brève échéance.
Chloé explique, par exemple, comment les dragons de Comodo rapetissent. À cause du braconnage, ils n’ont plus de cerfs à chasser !
On apprend énormément en lisant cet album, son côté documentaire scientifique nous fait prendre conscience, s’il en est besoin encore, des dangers de la perte de la biodiversité. L’éminent professeur de l’université de Lièges, dans sa postface, met d’ailleurs bien l’accent sur ses conséquences et notre responsabilité.
Mais l’album est aussi un voyage initiatique pour le père et sa fille. L’humour peut alors s’y glisser, avec les pages d’« exposé » que Joanne ne manquera pas de présenter à ses camarades d’école quand elle rentrera. Le contrepoint dramatique est créé par l’annonce de la pandémie de Covid19. Le scénariste en profite pour épingler au passages quelques décisions politiques marquées par la mauvaise foi et l’irresponsabilité de Macron ou de Trump.
Un bel album donc qui sait parfaitement équilibrer son contenu scientifique et « sérieux » et un aspect « voyage extraordinaire ».
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Les Sauvages, récit de Julien Frey, dessin et couleur de Nadar, postface du Professeur Johan Michaux, 152 pages en couleurs, 220 X 27,2 cm, 22€, éd. Futuropolis. En librairie le 5 avril.