Les guerres invisibles T1 de Marina Lisa Komiya paraît aux éditions Casterman.

Après la Seconde Guerre mondiale, Tokyo est en ruines et occupé par l’armée américaine. La pauvreté règne en maître et chacun essaie de survivre du mieux qu’il peut.

Ce premier tome du manga Les guerres invisibles raconte, à travers un récit éclaté, le destin de deux jeunes filles : Yoriko Murata et Haru Sudô. Elles se sont rencontrées quelques années auparavant, se sont aimées et ont été séparées par la guerre, les bombardements. En 1948, Yori revient à Tokyo dans l’espoir de retrouver Haru mais celle-ci s’est mariée à un soldat américain d’origine japonaise : Arthur Jirô Hashimoto, et a émigré en Amérique.

Sans plus de famille ni de maison, Yori n’a d’autre solution que la prostitution . Dans un bordel de Yokohama, elle rencontre Scott Charles O’Connor, un frêle soldat qu’un copain de chambrée veut faire dépuceler. Se tissent entre ces deux êtres contraints des liens d’entraide et d’affection très forts.

À travers ces quatre personnages, la scénariste et dessinatrice Marina Lisa Komiya montre, avec prévenance et profondeur, le drame intime que vit chacun, animé de sentiments personnels peu conventionnels pour l’époque. Haru a fui la maison familiale parce que son père voulait la marier à un inconnu. Avec Yori, elle formait déjà un couple parfait mais interdit. Arthur Jirô et toute sa famille souffrent du déracinement et de leur place dans la société américaine de par leurs racines nipponnes. Scott peine à se conformer à ce que l’on attend de lui, comme la virilité, peu en conformité avec ses aspirations profondes. Yori lui rend son intégrité.

Le dessin noir et blanc est simple avec des aplats grisés. Il apporte une fluidité de lecture qui tranche avec l’éclatement du scénario oscillant entre plusieurs époques et lieux. Le plus intéressant réside dans le style narratif et la qualité d’analyse des différentes situations et discriminations exposées.

Marina Lisa Komiya, navigant elle-même entre les États-Unis et le Japon, décrit fort bien l’absurdité tragique des morts pour l’un ou l’autre camp de membres d’une même famille par exemple, celle d’Arthur Jirô.

On attend le second tome pour voir si les conditions de vie de ces quatre « réprouvés » sont meilleures aux États-Unis qu’au Japon.

Dans le même temps, ressort Les années douces de Jirô Taniguchi, d’après le roman de Hiromi Kawakami, pour la première fois dans son sens de lecture d’origine.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Les guerres invisibles scénario et dessin de Marina Lisa Komiyaa, 336 pages, 18 €, coll. Sakka, éd. Casterman. En librairie dès aujourd’hui 18 juin 2025.

Les années douces de Jirô Taniguchi, d’après le roman de Hiromi Kawakami, 432 pages, 24 €, Casterman. En librairie dès aujourd’hui 18 juin 2025.

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