1929. La Corée s’appelle alors Joseon et c’est une colonie japonaise. Séoul s’appelle Gyeongseong et s’ouvre aux influences de l’Occident tandis que le Japon impose la loi de l’occupant et sa langue.
Les enfants de l’empire, ce sont Arisa Jo, la fille d’un « magnat du tissu », et Jun Seomoon, « le bouseux ». En fait, il est issu d’une famille noble mais déchue. À la mort de son père, M. Jo les a recueillis, lui et sa mère, et ils vivent ainsi sous le même toit.
Tandis qu’Arisa est une « jeune lycéenne moderne […] aussi belle qu’une actrice d’Hollywood », qui joue au tennis, va au cinéma et taille ses sourcils finement ; Jun ne souhaite qu’une chose, c’est rétablir le nom de sa famille et retrouver l’honneur perdu. Alors « Arisa n’est certainement pas une femme pour un bouseux comme moi » pense-t-il. Et pourtant…
Ce 1er tome plante bien le décor d’une capitale sous influence et qui tranche avec la campagne dans l’architecture, mais aussi dans les vêtements des protagonistes. Une scène savoureuse se déploie avant la fameuse sortie au cinéma pour que Jun soit bien habillé pour sortir avec Arisa…
Yudori, que l’on connaissait déjà pour le beau Le ciel pour conquête (1) assume tout : scénario, dessin, couleur. Son trait est réaliste. Sa mise en page est classique, mais parfois éclatée pour accentuer le dynamisme des scènes. Elle adopte alors les codes du manga. Le début de chaque chapitre est constitué d’une vignette pleine page, véritable tableau d’influence japonaise.
Ainsi la romance qui s’annonce tumultueuse entre ces 2 jeunes gens si différents est l’incarnation même du dépassement des conflits intérieurs et des influences contraires que vit la Corée et tout Coréen de cette époque charnière dans l’Histoire du pays. Elle a aussi été l’occasion pour Yudori de se plonger dans une période qu’elle semble affectionner et dont elle explique les particularités dans une partie documentaire de l’album. Une sorte de prise de notes dessinées. Une hybridation originale et bienvenue !
Notons aussi la parution chez le même éditeur, mais dans la collection Mirage du roman graphique Zodiaque d’Ai Weiwei au scénario et Gianluca Costantini au dessin. L’artiste chinois y mêle le folklore traditionnel du zodiaque aux récits de sa vie et de sa carrière. Transparaissent alors les liens entre la création, la politique et la liberté d’expression. Une corde de plus à l’arc de cet artiste conceptuel déjà prolixe !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/le-ciel-pour-conquete-de-yudori-parait-aux-editions-delcourt/
Les enfants de l’empire par Yudori, 224 pages, 19,99€, éd. Delcourt. En librairie le 4 octobre 2024.
Zodiaque, 184 pages, 22.95€, en librairie depuis le 18 septembre 2024.