La saga démarrait dans la Chine des années 20 avec la jeune Li vendue par son frère aîné à Zhang, un eunuque chef d’une des plus puissantes triades de Shangaï et amateur d’art. Contre toute attente, il fait d’elle sa fille adoptive puis l’envoie en France pour la protéger des troubles de la jeune république chinoise.
Narratrice de sa propre vie, Li termine de la raconter dans ce dernier tome. Celle-ci l’amène, en 1937, à rejoindre Zhang à la fin de sa vie, à partir à la recherche de son fils. L’aventure est toujours au rendez-vous du fait d’abord des milieux que côtoie Li : les triades qui régissent le marché des drogues issues du commerce de l’opium.
Mais l’arrière plan historique est aussi très important avec la lutte pour le pouvoir entre les communistes de Mao et les nationalistes de Tchang Kaï-chek. Mais dans ce tome, c’est surtout les exactions des Japonais lors de la prise de Nankin qui sert d’écrin à une bonne partie du récit.
Les époux Charles se sont beaucoup inspirés de personnes réelles et en ont fait des personnages que rencontre Li lors de ses pérégrinations. La missionnaire protestante Minnie Vautrin et le nazi John Rabe qui ont créé une zone de sécurité à Nankin pour protéger les civils de la fureur des Japonais lors du siège de la ville tiennent un rôle dans leur récit. De même, les « femmes de réconfort », choisies sur le volet pour leur beauté et leurs proportions étaient des esclaves sexuelles dont se repaissaient les militaires japonais durant toute la guerre. L’officier Azaka, adepte du bondage et violeur de Li dans la BD, est inspiré du prince impérial Asaka qui était un des commandants des forces d’invasion de Nankin, mais lui n’a pas été exécuté en 1946 !
C’est toute la saveur de cette saga qui mélange allègrement le faux au vrai et se révèle si piquante.
Le dessin tout en couleurs de Jean-François Charles se décline en gris-bleu et beige pour la guerre, en couleurs plus chaudes pour Paris par exemple. On aime les planches pleine page d’un style libre et de composition dynamique.
Une saga dépaysante et pleine de rebondissements jusqu’au bout !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
China Li Hong Kong-Paris, scénario de Maryse Charles et dessin de Jean-François Charles, 64 pages, 14,95€, éd. Casterman. En librairie le 03 mai 2023.