Petit traité d’entomologie:
Subu Ogata (Shoichi Ozawa) exerce deux professions : représentant de commerce en instruments médicaux et pornographe. Pornographe, il l’est plutôt par vocation et non pour l’argent, car pour lui, il s’agit en quelque sorte d’une mission sanitaire. Il apporte le bonheur aux nombreuses personnes qui s’épanouissent sexuellement grâce aux films qu’il produit, et aux vierges qu’il fournit. Sa vie se partage entre ses activités et sa “famille”. Il vit à Osaka, avec Haru Masuda (Sumiko Sakamoto), une coiffeuse veuve et ses deux enfants, un garçon Koichi (Masafumi Kondo) et une fille Keiko (Keiko Sagawa). Haru, toujours fidèle à son défunt mari, refuse de l’épouser. Ogata est perturbé par cette relation douloureuse, la police le contrarie et ses amis ne cessent de lui demander de l’argent. De plus, il se sent coupable de l’accident d’enfance de Keiko, marquant à jamais ses jambes d’une cicatrice indélébile et du désir qu’il éprouve désormais. Haru redoute la colère des démons et surtout, une funa (sorte de carpe), réincarnation de son mari. Et pour régler le problème, elle lui propose d’épouser sa fille. Son fils se met en ménage avec une prostituée, elle en perd la raison. Désespéré, Ogata se livre alors à la débauche et finira par se couper du monde en tentant cependant de soulager une dernière fois la gent masculine. Il crée une sorte de femme artificielle, grandeur nature, avec tous les attributs et attraits féminins mais sans les défauts. Il refuse de vendre son invention et s’en va, poussé par la vague qui l’a libéré vers le grand large.
Adaptation d’un roman scandaleux de Akiuyki Nosaga (Introduction à l’anthropologie, 1965), Le Pornographe est un film étrange, qui traite de sujets douloureux, comme la pornographie, l’inceste ou la folie, sans verser dans la facilité, et, sans se livrer au voyeurisme. Les scènes les plus perturbantes sont désamorcées dans leur noirceur par la compassion et l’humour du cinéaste. Il ne juge pas ses personnages, ne prend pas parti. Il les montre seulement tels qu’ils sont : faibles et désespérément humains. Mettant en scène une collégienne attardée aux prises avec un vieil amateur de jeunes filles en uniforme, il se contente de neutraliser l’horreur en s’abstenant de nous montrer l’aboutissement de la perversion et en poussant le thème jusqu’au grotesque. Comment parvenir à attirer l’attention de la jeune fille ? En lui donnant une sucette. Qui lui donne la sucette ? Son père qui n’est autre que le commanditaire et acteur du film.
Imamura s’intéresse en entomologiste à cet univers, il ne fait pas la morale, mais se contente de montrer scientifiquement quels sont les travers de la société et des êtres qui la compose. La caméra quasi microscopique, privilégie le plan fixe sur les personnages, démonte chaque parcelle de leur vie, lorsqu’ils mangent, bavardent et font l’amour. La réussite majeure provient du fait qu’elle fait comme, ou, à la manière d’un voyeur. Le directeur de la photographie s’est ingénié à encombrer le champ au maximum d’objets, de fenêtres, de cadres divers, pour nous mettre dans la position de celui qui observe physiquement la scène. Ou de celui qui voit celui qui prend plaisir à voir… Dérangeant, non ?
Éditeur : Criterion
Pays : Japon