L’art caché enfin dévoilé d’Aude de Kerros paraît aux éditions Eyrolles.

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Lors de ses premiers voyages en Chine, à partir de 2004, le peintre Rémy Aron s’étonne qu’art contemporain (entendre purement conceptuel) et art (entendre : peinture, sculpture et gravure) sont reconnus pareillement. Tout autant que l’art ancien ou moderne, d’ailleurs. Éminent connaisseur du milieu de l’art en France, en 2012, il réussit le tout de force d’exposer, sur les Champs Élysées, des peintres français et chinois. C’est ce que rapporte Aude de Kerros dans son nouvel ouvrage, L’art caché enfin dévoilé.

Pourquoi est-ce un exploit ? En France, depuis 1983 l’art contemporain est hégémonique. Tout autre forme d’art est bannie tant des cimaises privées que du ministère de la Culture. Adieu peinture, sculpture ou gravure qui ont fait la réputation de l’école de Paris au XXè siècle !

Plus encore, l’autrice nous dévoile par le menu comment fut perpétrée pareille main basse sur la création artistique. Tout simplement en excluant de la « pièce » exposée (on ne dit plus « œuvre », c’est ringard !) toute intervention autre qu’intellectuelle. Et donc, surtout pas manuelle !

L’artiste contemporain n’a même plus à mettre les mains dans le cambouis. Il laisse cela à des tâcherons qu’il utilise et jette après usage.

Ce qui est paradoxal. En effet, en arts plastiques, c’est la façon qui fait l’œuvre non l’idée. Cette dernière est un fond commun dont aucun individu ne devrait revendiquer la paternité et encore moins la propriété. On nage ainsi en pleine escroquerie.

Si les fonctionnaires du ministère de la Culture ont pu réussir ce tour de force, ils le doivent, bien entendu, à ce stratagème machiavélique : seule l’idée compte ! Sans pour autant dédouaner les créateurs de leurs responsabilités, ils se sont laissés dépouiller de leur statut si particulier. Pour finir par n’être représentés que par des ersatz d’artistes contre l’obtention d’une vaniteuse reconnaissance et des avantages illégitimes.

Heureusement que la réputation de la place de Paris reste quelque peu vivace. C’est ainsi que nombre d’artistes étrangers s’installent toujours dans la capitale. On connaît bien sûr les anciens, comme Zao Wou-Ki ou Foujita. Et plus récemment Yan pei-Ming estampillé conceptuel, et pourtant  peintre.

Un excellent tour d’horizon de la scène artistique française et mondiale, donc, et ce, à double titre. Tout d’abord, historique, clairement développé dans l’ouvrage. Ensuite, par la fine analyse déployée de multiples courants et techniques artistiques. Ils sont aussi bien modernes qu’actuels et toujours en effervescence bien qu’invisibilisés.

Une solide base à consulter impérativement pour qui s’intéresse au devenir des arts plastiques mondiaux. En effet, ils entament encore de grands changements au travers de techniques novatrices. Reste à savoir si, au-delà de l’aspect marketing et financier, l’art saura se régénérer pour intéresser le plus grand nombre.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

L’art caché enfin dévoilé, Aude de Kerros, 280 pages, 24,90€, éd. Eyrolles.

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