D’origine mongole, Tengis est le protagoniste du roman, La Légende du chaman, de Gün G. Ayurzana. Il quitte Oulan-Bator sous un prétexte assez léger (un échec amoureux). Sur les conseils d’un ami, il se rend sur l’île Olkhon, l’île du Lièvre, située sur le lac Baïkal en Bouriatie, république russe de l’autre côté de la frontière, donc. Là, apparaît un aigle géant à tête blanche comme dans la légende. Il se manifeste lors des cérémonies chamaniques.
Tengis se voit dépossédé de sa conscience suite aux nombreuses célébrations auxquelles il participe sur place. Par un chaman, il est mis au défi de traverser le Rocher Burkhan, le rocher des dieux, situé côté Est de l’île. À l’intérieur, résident les ongods, les esprits des ancêtres dans la tradition chamanique.Ne trouvant pas par où entrer, il décide de rester sur place jusqu’à parvenir à ses fins.
Khagdai, un vieil homme autant chaman que forgeron, le prend comme assistant, tulmaash. Par son entremise, le jeune mongol se retrouve au cœur des rites chamaniques. De plus, Khagdai lui raconte de nombreuses légendes sur les chamans et leurs pouvoirs réels ou supposés. L’une d’elle affirme que le tout premier chaman est né de l’union d’un aigle et d’une femme mongole.
Petit à petit, Tengis se voit initier en vue de devenir lui-même chaman. À condition, toutefois, qu’il traverse le fameux rocher. Il finit par refuser bien qu’il ait découvert l’entrée après plus de cinq ans de recherche.
Pour le lecteur, l’intérêt majeur du livre réside dans l’immersion au sein des différents rituels chamaniques comme l’absorption de champignons afin de faciliter le passage vers le monde d’en-haut, celui des esprits. Mais aussi comment guérir des malades ou contraindre un voleur à rendre son butin. Non par la magie, mais en l’influençant avec l’aide des ongods. Le chaman « n’agit pas directement, mais oriente le sujet en fonction de son passé. »
Tout au long du récit, l’auteur nous permet d’assister au plus près à ces rites ancestraux (1). Par là-même, il dénonce le folklore pour touristes des faux chamans seulement préoccupés par la cupidité. Une satire féroce d’ailleurs contre l’un d’eux l’annihile sans pitié.
Avec la modernisation, on assiste aussi à la lente mais inexorable assimilation, et par conséquent à la désintégration de la société bouriate séculaire. Ce qui réduit considérablement le pouvoir des chamans au travers de la perte des traditions immémoriales.
Le récit est écrit dans un langage clair et dynamique. Ce qui facilite la visualisation des rites et cérémonies peu compréhensible pour un occidental. De plus, il nous éloigne du folklore parasite et, ainsi, nous permet de mieux ressentir toute la spiritualité qui émane de ces femmes et hommes chamans.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Sur le même thème, lire notre chronique : https://asiexpo.fr/voyages-chamaniques-et-rencontres-remarquables-de-brigitte-pietrzak/
La Légende du chaman, roman de Gün G. Ayurzana, 240 pages, 22€, éd. Jentayu.