Dybex, éditeur leader européen de l’animation japonaise a fêté ses 10 ans à Lyon lors du 12e festival Cinémas & Cultures d’Asie.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ainsi que Dybex ?
Je m’appelle Cédric Vantroyen, chargé de communication pour Dybex, société éditrice d’animation japonaise en Belgique, France et Suisse. Dybex fête cette année ses 10 ans d’existence. Nous avons débuté en 1996, en éditant et distribuant des animes sur le territoire francophone, voire même au début en Italie, Espagne et Portugal. Aujourd’hui, nous nous sommes recentrés sur le territoire francophone.
Quel est le procédé d’édition d’un anime en France ?
Nous négocions les droits sur place au Japon, ou ici en France : on acquiert une licence et à nous de l’exploiter au maximum pour en sortir un bon produit et le vendre au mieux sous forme de dvd dans les boutiques spécialisées, en grandes surfaces, ou aux télévisions.
Qu’est-ce qui a motivé la création de Dybex en France et en Europe ?
C’est surtout le travail et l’état d’esprit d’un homme, Carlo Levy, le manageur et directeur de Dybex, qui avait une passion pour l’animation japonaise et qui a remarqué qu’au début des années 90 il y avait un manque. Il y a eu un gros bond de l’animation japonaise à la fin des années 70 avec des séries comme Goldorak, Capitain Flam, Tom Sawyer, Heidi, Candy… qui sont tombées en désuétude après l’effet de mode. Heureusement, il y a eu Dragon Ball Z. L’image que l’animation japonaise avait auprès du public français ou européen était un peu fourvoyée parce que l’on a diffusé un peu tout et n’importe quoi à des heures diverses… Par exemple Ken le Survivant, un dessin anime assez violent, au Japon destiné aux jeunes adultes, n’aurait jamais été programmé un mercredi après-midi sur une chaîne de télévision nationale. En France, nous ne savions pas et il y a eu des répercussions désastreuses sur l’image de l’animation japonaise : “le manga c’est violent ou sexuel” et les chaînes en n’ont plus voulu. Carlo Levy, a opté pour une autre méthode : démontrer que nous étions des spécialistes et que l’animation japonaise ne se limitait pas à Ken le Survivant. Pour se faire, il est parti au Japon, créer sa société et ramener des licences.
Quels sont vos critères de sélection ?
Notre ligne éditoriale se tourne vers un public “jeunes adultes”, notre cible est plus autour des 18-35 ans que des 8-20 ans, même si nous avons aussi de l’animation pour jeunes parmi les 185 références que compte notre catalogue.
Nous sommes très attentifs à la qualité du film ou de la série, s’ils ont eu du succès au Japon c’est encore mieux. Nous lisons la presse japonaise, et recevons des samples. Nous suivons les succès des manga papier, qui sont souvent annonciateurs d’un succès en animation. Nous faisons notre choix parmi des milliers de titres, chaque jour il en sort un nouveau. Au Japon, il existe des chaînes de télévision qui ne diffusent que de l’animation japonaise. C’est toute une culture que nous connaissons moins. La BD franco-belge est devenu un art, tandis que le manga papier est cette histoire que nous lisons dans le métro et que nous jetons ensuite.
Quels genres d’animes éditez-vous ? Des films, des séries ?
Nous éditons de tout. Notre catalogue se divise entre les séries TV qui vont de 13 à 112 épisodes, les OAV, genre de téléfilms édités directement en vidéo, et puis les films. Depuis peu, nous nous sommes ouverts au “film live” : la différence avec l’animation, c’est qu’il y a des acteurs. On a commencé en achetant Cutie Honey, qui sera aussi diffusé dans le cadre du festival de Lyon, comme un clin d’œil, car ce fut la première VHS que Dybex a sortie il y a dix ans, nous avons bouclé la boucle en achetant sa version live. En voyant le succès que connaît le cinéma asiatique aujourd’hui, le festival le prouve bien, nous n’allons pas devenir éditeur de films live exclusif mais nous nous ouvrons à ce marché là.
Quels ont été vos plus gros succès ?
Kenshin, qui est une série TV, mais qui a aussi des OAV et un film. Le parcours d’un manga à succès, c’est souvent : une pré-publication dans un magazine, puis un volume, puis une série TV, une OAV et enfin un long métrage. Kenshin est une série de 95 épisodes et le succès était là. Les OAV constituent un prologue et un épilogue de la série. La première OAV Tsuioku Hen a été un immense succès chez nous, et dernièrement c’est Full Metal Alchemist (présenté ce soir au festival) qui obtient un succès phénoménal. Cette série a quasi détrôné Dragon Ball, aussi bien au Japon, aux États-Unis que maintenant en Europe. Enfin nous allons vers un autre succès qui est Karas, qui est aussi diffusé dans le cadre du festival, une série qui fête les 40 ans de Tatsunoko, un studio qui a fait notamment : Soul Taker, Speed Grapher, La Bataille des Planètes, …
Quels sont les autres projets que l’on pourra découvrir après Karas ?
Nous sortons plus ou moins huit dvd par mois. Mais ce mois-ci (novembre 2006) nous avons Lupin, connu chez certaines personnes comme Edgar de la Cambriole, un dessin anime sur le petit-fils du plus célèbre des gentlemen cambrioleurs… ce sont deux longs métrages sur un même dvd. Nous sortons aussi une série assez marrante, une espèce de western futuriste qui s’appelle Wild Arms, début décembre, sur un tireur d’élite qui se réveille un jour dans le corps d’un enfant. Ensuite le collector de Blue Submarine n°6, un anime que nous avions sorti il y a quelques années ; le deuxième volume de Gungrave, le film d’une série promise à un bon succès… En janvier et février il y aura encore plein de nouveautés, nous avons acheté 15 licences dernièrement d’animes qui sortiront courant 2007.
Quels sont ceux pour lesquels vous êtes en négociation ?
(Rire) c’est confidentiel… Ce qui est certain, et tous les éditeurs sont dessus, il y a un anime que tous essaient d’avoir, c’est Death Note, le manga a fait un carton et l’anime va se négocier très cher ! Là nous venons de faire le plein, donc nous n’allons pas racheter d’autres licences tout de suite, mais nous restons attentifs à tout ce qui peut sortir, évidemment nous ne sommes pas le seul éditeur sur le marché, donc il y a des licences qui nous passent sous le nez…
Et à propos de ces licences ratées, avez-vous un regret particulier ?
Oui il y en a toujours (rires). Là notre concurrent direct (Kaze) vient de signer à mon avis la licence de l’année 2007 : Bleach (celle de Dybex étant FMA en 2005). On ne peut pas tout avoir…
Comment voyez-vous l’évolution de votre société ?
Le passage de la vhs au dvd a été un grand changement dans notre manière de travailler, et dans les années à venir nous passerons sur d’autres supports, le “HD-DVD” et le “Blu-ray” arrivent et il faudra s’adapter. Notre ligne éditoriale restera inchangée : de l’animation de qualité pour jeunes adultes, même si de temps à autre, nous aurons des programmes pour les plus jeunes comme Hello Kitty, dans ce cas particulier, c’est moins parce que c’est un symbole que parce que c’est un anime très bien fait.
Depuis quelques années, on constate l’ouverture de librairies spécialisées, le rayon manga de la Fnac a doublé de volume, plus de longs métrages sont à l’affiche… quel est votre sentiment sur ce phénomène ?
Pour nous, c’est parfait ! Peut-être un peu moins pour la BD franco-belge… Mais c’est surtout le manga papier qui est en train de la phagocyter… Ils sont à 40 % de vente en librairie, c’est la plus grosse augmentation livres et BD confondus. L’animation a de plus en plus une reconnaissance de la part des médias, que ce soit Première, Scope, les Inrockuptibles, Le Monde, ou Télérama… Parce qu’on trouve des films de qualité. Hélas, le marché du dvd ne se porte pas aussi bien que celui du manga papier. Nous verrons ce qu’il en ait avec le phénomène du téléchargement, mais peut-être que les nouveaux supports changeront la donne.
Editez-vous uniquement des animes japonais ?
Nous sommes dans l’animation japonaise, mais je n’affirme pas qu’on ira pas un jour voir ailleurs… Par exemple, le comics indien débarque chez Virgin, la BD chinoise connaît un gros boom ces dernières années, avec des auteurs comme Benjamin qui sont maintenant très connus… Est-ce que la manne japonaise va s’épuiser ou lasser ? C’est une éventualité, ce sera à nous à ce moment là de rebondir mais les gens aiment le cinéma, les dessins animes, et tant que les japonais feront des bons programmes, il n’y aura pas de raison d’aller voir ailleurs…
Propos recueillis par Anne-Claire Noël dans le cadre du 12e Festival des Cinémas & Cultures d’Asie (novembre 2006).
Copyright Photos de Nicolas Dartiailh.
Pays : Japon