Joyeux Démons de Sakumo Okada paraît à l’Atelier Akatombo.

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Un joli nom pour une maison d’édition que « l’atelier Akatombo » autrement dit l’atelier de la libellule rouge, qui, au Japon, naît en octobre, période où la douceur des températures et la lumière douce invitent à la lecture.

Et c’est une invitation percutante qu’il nous propose avec les Joyeux Démons de Sakumo Okada, inspiré par les yokais (1) qu’il met en scène dans 7 nouvelles graphiques. Ces esprits du folklore nippon adorent jouer de vilains tours aux humains, mais ici, on dirait qu’ils perdent un peu de leur nature, tellement ils sont liés à eux ou même personnifiés, comme ce couple de belettes faucilles. Madame veut bien subir les assauts sexuels de son époux, mais ne veut pas une ribambelle de marmots. Ou bien le faux petit kappa qui, malgré l’amour indéfectible de ses parents, se fait harceler par ses camarades car il est « étranger ».

De fait, même si Sakumo Okada se sert de ces démons, personnages emblématiques des contes japonais, c’est bien du monde réel et contemporain qu’il parle. Violences sexuelles, racisme, anxiété sociale, automutilations, difficulté de vivre sont au cœur de ces récits.

Malgré un style décalé voire déjanté, le mangaka reste un témoin percutant et acerbe des travers de la société nippone. Sa façon d’en venir aux lynchages de nombreux Coréens au lendemain du tremblement de terre de Tokyo en 1923 est très originale. La lumière chassée et l’enfant lanterne expliquent ce que de nombreux Japonais refusent d’entendre. Ou comment le folklore et le fantastique transcendent l’Histoire. Sakumo Okada s’est d’ailleurs beaucoup documenté pour restituer cette réalité historique ignominieuse.

De même, dans La Descente des montagnes, ce sont les révélations de la solide montagnarde Masari qui font trembler les valeurs patriarcales. La nouvelle met, en effet, au jour la volonté de reconnaissance des femmes, leur soif de vérité sur les violences qu’elles subissent. Un discours post # Metoo que la société japonaise n’a encore pas intégré.

Côté graphisme, le travail à l’encre et au trait est fouillé. Le mangaka oriente son style en fonction du thème de chaque nouvelle. Le dessin est réaliste avec une certaine pudeur dans les scènes de violence, rareté dans les mangas.

Un recueil vraiment original, brillant et audacieux qui a dû bousculer le conformisme nippon pour notre plus grand plaisir.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/yokai-fantastique-art-japonais-de-brigitte-koyama-richard-est-paru-aux-nouvelles-editions-scala/

Joyeux démons de Sakumo Okada, 227 pages, 14,80€, éd. Atelier Akatombo.

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