Le film débute par une vue de Manille, au dessus des bidonvilles, dans un silence total. Soudain la caméra plonge vers le sol, jusqu’à la maison de Thelma. Avec son mari Dado et ses deux enfants Gerald et Yuri, elle élève John John, un métis philippin de trois ans, dont elle est la mère de transition. Thelma fait partie d’un service social local en charge de trouver des mères nourricières aux bébés abandonnés en attendant que ceux-ci ne soient replacés dans une famille adoptive. Aujourd’hui est un grand jour car elle doit rencontrer les nouveaux parents de John John, un couple d’Américains.
Avec un tel synopsis, on pouvait s’attendre à une histoire larmoyante, voire dure sur un problème majeur aux Philippines et ayant pour contexte une famille pauvre de Manille. Bien au contraire, l’immersion dans une journée pas tout à fait ordinaire (le film débute le matin et se termine tard dans la nuit) de cette famille presque ordinaire se fait très simplement, presque naturellement.
La caméra, surprenante de sincérité, suit les personnages, bouge au gré de l’état du chemin et nous fait découvrir sans fioritures mais aussi sans misérabilisme l’univers des quartiers pauvres où règne, autre surprise, la bonne humeur. Si certains des habitants de cette ville dans la ville ont parfois des problèmes de couple ou de boisson, tout le monde se connaît et se côtoie sans problème. Les étalages des magasins sont ouverts sur la rue (ou plutôt le passage) et les maisons ne sont pas fermées à clé.
Le jeu – ou plutôt le non-jeu – des personnes filmées (il y a très peu d’acteurs professionnels), les prises de vues directes dans la ville avec une caméra mobile, les niveaux sonores non réglés, tout tend à nous laisser imaginer qu’il s’agit d’un documentaire alors que nous sommes bien dans une fiction. Là est toute la force du film qui ne cherche à montrer que la réalité avec une accumulation de détails, parfois minimes, mais lourds de sens. Durant une heure et demie, vous vivrez le quotidien d’une famille exemplaire alors qu’elle vit dans une relative pauvreté. Le seul point troublant est la famille américaine qui va accueillir John John : son attitude ambiguë envers Thelma et le fait qu’elle ait déjà trois enfants visiblement adoptés alors que le mari et la femme ont vraisemblablement la cinquantaine pourrait nourrir une certaine polémique sur les adoptions et les besoins des familles d’accueil.
Si la plupart des personnages du film ne sont pas des acteurs, le rôle principal est tenu par une star aux Philippines : Cherry Pie Picache (on la retrouve dans plus de 70 films et séries télé). Dans un rôle inhabituel, son talent crève l’écran. Elle n’incarne pas Thelma, elle est Thelma, et installe une tension dramatique poignante au fur et à mesure que progresse la journée, et qui trouvera son point d’orgue à l’hôtel où elle va laisser John John.
Sans prétention, sans artifices, bien loin des productions philippines habituelles ou des superproductions hollywoodiennes, John John, par sa réalisation, et la portée universelle de son message ne cède à aucun des clichés sur les pays pauvres, et évite par miracle les travers que pourrait entraîner un sujet comme l’adoption. Une vraie peinture sociale, jamais moralisatrice ni condescendante, parlant avant tout d’amour et de générosité.
Fabrice Docher
février 2008
voir interview du réalisateur sur :
http://www.asiexpo.com/club/index.php
Date de sortie française : 27/02/2008
Acteurs : Cherry Pie Picache, Eugene Domingo, Jiro Manio, Kier Alonzo
Pays : Philippines