J’ai épousé un maître de Nô de Madeleine A. Jalil Umewaka et autres parutions des éditions Sully.

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Parmi les multiples aspects de la culture japonaise traditionnelle, le Nô semble, de prime abord, inaccessible aux autres civilisations. Par son sectarisme et son hermétisme légendaires, il apparaît comme impénétrable pour tout individu hors du cercle des initiés, même au Japon. Toutefois, l’histoire de Madeleine A. Jalil Umewaka vient formidablement contredire ce cliché. C’est ce qu’elle démontre avec humilité et honnêteté au travers du récit singulier de sa vie dans son ouvrage, J’ai épousé un maître de Nô.

En 1976, elle quitte précipitamment son pays, le Liban en guerre. Elle a 18 ans et trouve refuge au Japon où sa sœur aînée (autrice reconnue) est mariée à un banquier de ce pays. Elle ne se doute pas alors qu’une nouvelle fois sa vie va basculer. Après un passage à Beyrouth et des études réussies à Londres, elle retourne au Japon. Là elle obtient un diplôme d’ingénieure en informatique et se marie avec Naohiko en 1981.

À sa plus grande stupéfaction, elle apprend que son époux est destiné à devenir un maître de Nô. En effet, héritier d’une illustre famille d’interprètes (son grand-père, notamment, sauva du naufrage ce genre théâtral sous l’ère Meiji), il doit donc reprendre le flambeau à la suite du décès prématuré de son père, le grand maître Naoyoshi. Sans hésitation, l’autrice abandonne alors sa prometteuse carrière pour épauler son mari dans son art. C’est avec un immense bonheur qu’elle s’occupe de toute l’intendance de la troupe. Et jamais elle ne regrettera son choix. L’avait-elle déjà entrevu à 17 ans, lors d’une représentation de Nô ? Déjà, elle avait été subjuguée par la finesse d’interprétation et par l’ambiance solennelle.

C’est sans emphase que l’autrice nous déroule sa vie de Beyrouth à Tokyo. Dans une langue simple, mais précise, elle nous immerge autant dans son quotidien familial que dans ce théâtre si particulier auquel elle offre son énergie. De tout son cœur, elle nous le fait connaître de l’intérieur. Mais sans doute sa réussite majeure dans ce domaine est d’avoir contribué à partager cet art singulier pour l’offrir au monde en de nombreuses tournées internationales.

Voilà une vie magnifiquement accomplie grâce à une ouverture d’esprit dont il est bon de s’inspirer pour s’enrichir spirituellement.

Notons que les éditions Sully proposent dans le même temps d’autres ouvrages sur 2 autres spécificités nipponnes : Au cœur du noir, une histoire japonaise (1) ou comment l’Archipel appréhende cette couleur et en fait un des fondements de sa pensée. Et enfin Japon, l’archipel aux 72 saisons (1). L’autrice y rappelle le calendrier antique japonais qui mêlait le cycle de la lune à celui du soleil et découpait l’année en micro-saisons, chacune reflétant un événement naturel caractéristique de la période, le tout avec une infinie poésie.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Au cœur du noir, une histoire japonaise de Lucien X. Polastron, 120 pages, 24€, coll. Le Prunier, éd. Sully.

(2) Japon, l’archipel aux 72 saisons de Zoé Jégu, 144 pages, 19€, coll. Le Prunier, éd. Sully.

J’ai épousé un maître de Nô de Madeleine A. Jalil Umewaka, 180 pages, 18€, coll. Le Prunier, éd. Sully.

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