À l’occasion du grand événement « Japonismes 2018 », les heureux visiteurs du Petit Palais à Paris avaient pu découvrir l’œuvre majeure du grand peintre japonais Ito Jakuchu, le Doshoku sai-e, que l’on traduit littéralement par « images d’animaux et de plantes dessinés en couleurs » ou plus poétiquement le « Royaume coloré des êtres vivants ».
Le luxueux Ito Jakuchu La nature enchantée reprend ce chef d’œuvre de la peinture sur soie, foisonnement étourdissant de plumes et de pétales peints un à un pour l’éblouissement des yeux et de l’esprit. Le peintre (1716 – 1800) mit une décade à le réaliser. Il s’agit en effet d’un ensemble de 30 grands rouleaux verticaux réalisés avec une extrême minutie qu’il offrit au temple zen Shokoku-ji à Kyoto, en 1857.
Ces œuvres délicates et uniques ne furent pas exportées à l’ouverture du Japon sous l’ère Meiji, contrairement aux estampes ukiyo-e, œuvres multiples sur papier, faciles à diffuser. « Elles restèrent recluses dans l’intimité sacrée du temple Shikoku, avant de rejoindre, à partir de 1889 l’ombre encore plus secrète des collections impériales nippones », explique Joséphine Bindé, la rédactrice savante et inspirée de tous les textes du livre.
Ce qui frappe d’abord dans ces rouleaux, c’est la luxuriance. Les effets de zoom sur plusieurs pages permettent d’admirer la précision des détails tels les pruniers en fleurs avec la tête des grues qui les accompagnent et l’effet du duvet de leurs plumes dans Pruniers en fleurs et grues. Le rendu du mouvement, comme dans Hortensias, coq et poule, époustoufle.
Malgré cet aspect très naturaliste, Jakuchu a aussi le goût du merveilleux. Il lui permet d’exprimer son éblouissement esthétique et spirituel face à la nature. Voir la féerie de ses peintures de neige ou ses épines de pin stylisées qui éclatent comme des feux d’artifice.
Il joue aussi sur l’exagération de certains éléments. La multiplication du détail crée ainsi l’irréalité. On peut même parler d’images d’anime avant l’heure avec ce minuscule poulpe agrippé à l’un des tentacules de sa mère dans Poissons !
La juxtaposition d’éléments naturalistes et d’autres stylisés, l’eau par exemple dans sa peinture de coquillages démontre une technique extrêmement soigneuse et complexe où les couleurs créent un effet de contraste et de volumes saisissant.
L’ouvrage présente aussi une série d’encres remarquables (1) où il sublime encore la nature sur le vif. Tortue terrestre ou aquatique, poisson, cormoran, poules, courges et lotus… sont croqués avec une infinie poésie comme ces Deux gibbons atteignant la lune.
À découvrir et à faire découvrir absolument !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique d’un autre chef d’œuvre de Jakuchu : https://asiexpo.fr/les-fleurs-precieuses-du-jardin-mysterieux-dito-jakuchu-texte-de-manuela-moscatiello/
Ito Jakuchu La nature enchantée, textes de Joséphinne Bindé, volume avec couverture en tissu et ruban, format 25 X 31,6 cm, 224 pages, 49,95€, éd. Hazan. En librairie le 30 octobre 2025.



