Sa 1ère exécution se terminant de manière lamentable, Charles-Henri se fait fortement rabrouer par son père. Ce dernier ne le jugeant plus digne de prendre sa suite, il demande à sa femme de lui donner un autre fils. Mais surprenant son père en plein ébat, avec des paroles très dures à son égard, Charles-Henri décide d’être le meilleur bourreau possible mais à sa façon. Il s’évertue ainsi à faire souffrir le moins possible les condamnés tout en faisant bien son travail. Secrètement, il pense cependant à ne pas prendre d’épouse pour qu’il n’ait pas de successeur. Un jour, il rencontre un homme et son fils malade dans une église. Ce qu’ils vont lui révéler sur la vie à la campagne va le bouleverser…
Doutes et convictions s’affrontent dans l’esprit de Charles-Henri Sanson : poids de la charge de sa lignée, besoin de se libérer et d’être reconnu par sa famille, nécessité de leur art. Dans leur monde codifié, il étouffe, ne se sent pas à sa place. Pour exister aux yeux des autres et de ses proches, pour « expier » la mort atroce de son ami, il va devoir choisir et agir. Absolument magnifique, le style de Shin’ichi Sakamoto met vraiment en évidence les différences entre la vie insouciante des nobles et la souffrance du peuple, entre la lumière qui entoure malgré tout Charles-Henri et les ténèbres dans lesquels semblent plongés en permanence sa famille. Ces oppositions deviennent de plus en plus visibles, reflétant ainsi le tiraillement permanant dont est victime le personnage principal. Il essaye de faire bonne figure mais sa sensibilité, bien mise en avant, se heurte à sa famille, à son travail, à son époque. Sur le plan historique, on sent les conditions qui vont mener à la Révolution grandir avec les petits détails qui montrent la misère grandissante du peuple. Peu avare en détails parfois très durs, Shin’ichi Sakamoto nous dresse un portrait très cru de l’époque, n’occultant aucun fait. A la précision des tenues, bâtiments et intérieurs, se heurtent de plein fouet le sang et la misère. Par l’intermédiaire d’un personnage emblématique et pourtant mal connu, il nous entraine lentement dans le tourbillon qui a changé à jamais la France. C’est une œuvre résolument à découvrir, que ce soit pour son histoire ou pour l’Histoire.
Fabrice Docher
INNOCENT volume 2 de Shin’ichi SAKAMOTO (2013)
Histoire / drame, Japon, Editions Delcourt, mai 2015, 224 pages, livre broché 7.99 euros