Lun Zhang est un activiste de Tiananmen. Il a trouvé refuge à Hong Kong à l’automne 1989 et il raconte ce qu’était cette ancienne colonie britannique avant la rétrocession à la Chine en 1997. À l’image de ce cocktail, le yuen yeung : « réunir deux mondes, deux cultures, les saveurs du thé et du café. C’était cela, le grand projet de Hong Kong ».
Mais, après la fameuse rétrocession, la capitale financière du delta de la Rivière des Perles déchante vite. En 2003, en effet, le peuple hongkongais descend dans la rue contre la loi qui encadre strictement les libertés. Elle est retirée. Dès 2004, c’est pour plus de démocratie. En 2005, contre l’idée que Hong Kong ne serait plus qu’un immense projet immobilier. Le quai du ferry devient alors le berceau symbolique de cette contestation. Plusieurs autres quartiers aussi tentent de résister à la destruction.
La colère monte. Un véritable attachement à la ville s’est développé au moment de la rétrocession. Et « ces immeubles, c’est l’argent sale de la Chine » souligne un vieil homme : M. Lam, qui a toujours vécu ici et qui a vu, un à un, ces gratte ciel pousser.
À cette frénésie immobilière s’ajoute « la réécriture du passé dans les manuels scolaires ». La langue d’enseignement passe de l’anglais au cantonnais, les menus de cantine changent aussi. C’est ce qui met d’ailleurs le feu aux poudres et déclenche la création du mouvement Scholarism. Il atteint 10000 membres sur sa page Facebook en 2012. Et 100000 à la réforme des programmes scolaires, dictée par le Parti communiste. « Une nouvelle génération prend la rue » et fait plier Hong Kong et Pékin qui abandonnent la réforme.
En 2014, nouveau défi pour le peuple hongkongais à qui Pékin veut encore imposer ses candidats à l’exécutif. Scholarism et le professeur Benny Tai proposent un mouvement de « désobéissance civile » à la Martin Luther King. C’est la « révolution des parapluies ». La jeunesse occupe des quartiers entiers de la ville dans la joie, l’échange et la culture. Mais au bout de trois semaines, la police démantèle le tout. Le mouvement a, certes, échoué, mais il « a éveillé les consciences politiques et attiré les regards du monde entier sur la ville et son avenir ».
Ainsi de suite jusqu’en 2022 avec un point d’orgue en 2019 et la naissance de la crise ultime…
Il faut lire cet album qui nous tient en haleine de bout en bout pour comprendre les ressorts d’un régime autoritaire et les moyens pour tenter de les vaincre. Le dessin du Hongkongais Ango n’est pas pour rien dans ce plaisir de la lecture. Il colle parfaitement au récit de Lun Zhang et Adrien Gombeaud. Il est protéiforme. Un camaïeu de noir pour raconter la fuite du narrateur de Chine continentale ou éclatant de carrés de couleurs lors des assemblées citoyennes de rues. Noir et blanc pour la répression, couleurs pour les mouvements de foule. Les échelles de plan et grandeurs de vignettes toujours mouvantes. À l’image du récit de Lun Zhang, le dessin d’Ango est polymorphe et dynamique !
À mettre d’urgence entre toutes les mains !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Hong Kong, révolutions de notre temps, Lun Zhang, Adrien Gombeaud et Ango, 120 pages, 17,95€, collection Ancrages, éd. Delcourt. En librairie le 31 mai 2023.