Le manga est un médium fort qui a son impact sur le lecteur, il peut rendre intéressent n’importe quel sujet, la preuve en est Hinomaru Sumo. Ce n’est pas un bon manga, il sait pourtant nous donner envie de connaître la pratique du sumo.
Dans le même genre on peut penser à Hikaru no go ! Superbe manga qui nous fait découvrir ou redécouvrir le jeu de go, qui même au Japon avait perdu de sa popularité. Le mangaka peut donc jouer le rôle de gardien de la mémoire, il s’attache à montrer sa culture, il ravive la flamme d’un patrimoine qu’il voit s’éteindre.
Dans le manga de Kawada, c’est le sport national du Japon qui sera mis en scène, le sumo. L’auteur parviendra à idéaliser la pratique de cet art martial, on a envie d’en savoir plus. Même si, l’idéalisation en question est trop poussée, comme dans bien des shônen. Hinomaru Sumo joue avec l’idée qu’on se fait du sumo, notamment par rapport aux grosses ceintures, les mawashi, seul vêtement utilisé dans la pratique de ce sport, et qu’on peut, au premier abord, trouver ridicule. Cette technique permet de briser la glace entre le lecteur et cet art martial particulier, l’humour lui retire son côté snob et élitiste.
Cependant, l’œuvre en elle-même ne décolle pas. Kawada semble avoir bien étudié le dessin, ses personnages possèdent une diversité graphique importante, ses scènes de combats sont dynamiques, mais le découpage des planches reste classique, presque ennuyant. Le récit s’embourbe dans des dialogues années 90, quel voyou d’aujourd’hui dirait « ce nabot va payer pour son insolence » ? Ici l’auteur n’est pas forcément à blâmer, la traduction en est sans doute pour quelque chose. Le problème est qu’on a un contraste total entre des personnages de lycéens qui ont l’air d’avoir trente ans, non seize, et leur vocabulaire sortie tout droit de mauvais romans.
Hinomaru Sumo aurait pu être un magnifique manga, il aurait pu nous mettre l’œil sur la beauté du sumo. Malheureusement l’auteur le détruit en s’attachant aux apparences, il ne cherche pas à faire œuvre avec son manga, juste à faire un shônen, comme les autres. Si le mangaka avait autant d’ambition que son personnage, qui souhaite devenir yokozuna —le plus haut grade en sumo— peut-être, lui-même, pourrait devenir artiste, et non plus seulement un fabricant de divertissements.
Pour cela on aurait voulu voir se dessiner, dès le premier tome, un lien entre le manga et le sumo. Mais Kawada le rompt net en plaçant des informations sur ce sport de manière extradiégétique, alors qu’en les intégrant au récit le manga aurait gagné en intérêt.
Hinomaru Sumo est écrit de façon à laisser une ouverture pour de nombreux arcs, une série qui promet plusieurs tomes, où un jeune homme malgré sa petite taille souhaite devenir yokozuna, de la même manière qu’un Naruto combat pour la place d’hôkage. Un nouveau shônen sur la persévérance et la volonté, qui malgré ses défauts et son manque d’originalité, peut donner à la jeunesse le goût d’un sport vers lequel elle ne se serait pas tournée.
Hinomaru Sumo volume 1 de Kawada (2014) Action/comédie/arts-martiaux/shônen, Japon, Shueisha, mars 2016, 192 pages, livre broché 6.90 euros.