Frères du Japon de Taiyô Matsumoto est réédité chez Delcourt / Tonkam.

Chroniques tous | mangas

L’univers fantasque et poétique du mangaka Taiyô Matsumoto se décline en 10 nouvelles graphiques dans cette édition prestige de Frères du Japon publié pour la 1ère fois en France en 1999 et en 1994 au Japon.

Le titre rassemble des histoires indépendantes comme Love2 Monkey Show : 5 saynètes satiriques de 2 pages sur des couples plutôt atypiques. Ou Le Duel relatant en très gros plans l’affrontement sanglant de samouraïs. Mais le plus étonnant et le plus réjouissant reste Dynamite Gon Gon où un gorille et un ours anthropomorphiques s’affrontent sur un circuit à motos pour devenir le champion du monde de la discipline. Le premier est accompagné d’une interprète à bonnet phrygien (sic). Nous ne saurons rien du gagnant mais la fin est bucolique comme un Tarzan moderne ! Le banc est plus abscons.

Le triptyque inaugural À la fin d’une journée ordinaire met en scène des âges clés du mangaka : Chari l’adolescent, Haruo l’enfant et Matsuri le vieillard. Chacun se confronte à sa manière à la fuite du temps et à la mort. «  Nous ne sommes dans ce monde que brièvement. Nous avons à peine le temps de le visiter » dit Matsuri comme en écho au questionnement obsédant d’Haruo : « Où on va quand on est mort ? » ; tandis que Chari préférera s’envoler à bicyclette.

Un 2ème triptyque autour du Japon, dont le titre éponyme au recueil, est plus hétéroclite. Les frères sont des jumeaux trentenaires à l’allure d’enfants. Ils ont bien retenu les leçons de leur père jardinier et cultivent un fleur chien. Ils se fient à la baleine qu’ils voient dans le ciel pour ce qui est de la pluie. Et ils entraînent bientôt leur neveu Kenji de l’autre côté de la terre.

Famille du Japon traite des relations entre gangs dans la mafia nipponne dans une chronique yakuza. Et Amis du Japon met en scène des êtres singuliers dans la ville. Et c’est bien le propos de Taiyô Matsumoto : la marginalité à travers des portraits de personnages atypiques. On retrouve bien ses thèmes de prédilection : l’enfance, la ville, l’imaginaire mêlé au réel, la folie et la mort. Il donne ainsi une vision assez kaléidoscopique de la société tout en développant un imaginaire à la poésie surréaliste des plus attrayants, ce monde étant considéré comme absurde. Seuls les animaux, chats en très bonne place, trouvent grâce à ses yeux.

Le dessin du mangaka prend différentes allures selon l’outil employé mais le plus remarquable ici est l’encre de Chine avec son noir profond et ses traits fins. Elle entre dans chaque détail à l’aide de très gros plans. Elle se fait cinématographique avec l’arrivée de la nuit sur Haruo qui la craint comme la mort.

De la belle ouvrage et dans un format attrayant qui plus est.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Frères du Japon de Taiyô Matsumoto, traduction de Jacques Lalloz, 156 X 216 mm, 218 pages, 19,99€, éd. Delcourt / Tonkam. En librairie le 5 février 2025.

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