Un an et demi après le Japon, c’est au tour de la France de succomber à la frénésie Dragon Ball Super (du moins en ce qui concerne l’offre légale). En effet, après le lancement de la diffusion française de l’anime en janvier 2017 sur la chaîne Toonami, sa version papier surgit dans l’Hexagone début avril, au profit d’une large opération médiatique à Paris. Mais revenons à l’essentiel : Dragon Ball Super, qu’est-ce que c’est ? Pour ceux qui vivraient dans une grotte depuis quelques années, il s’agit d’un nouvel anime faisant suite au cultissime Dragon Ball et sa deuxième partie « Z », lancé par Toei Animation suite au succès des films « Battle of Gods » (2013) et « Fukkatsu no F » (2015). Le tout en vue de relancer une licence qui n’avait jamais vraiment quitté le paysage (notamment par le biais de ses nombreuses adaptations vidéo ludiques), mais qui n’avait pas encore bénéficié de suite ni de spin-off. La version manga, pensée d’abord comme un outil promotionnel pour l’anime, a été confié à Toyotaro, qui avait déjà réalisé quelques doujinshis dérivés de l’univers avant de taper dans l’œil des éditeurs, pour finalement proposer des chapitres publicitaires pour différents jeux et films. Suivant la trame de l’anime à son propre rythme, parfois en avance, plus souvent en retard, le manga a fini par bénéficier d’une sortie reliée, que nous découvrons aujourd’hui.
Mais dans tout ça, nous n’avons pas encore parlé du contenu : L’histoire de Dragon Ball Super s’inscrit quelques mois après la défaite de Majin Buu (mais plusieurs années avant l’épilogue du manga original). La paix est revenue, et Son Goku s’adonne aux travaux des champs en compagnie de son fils cadet. Pendant ce temps, à l’autre bout de l’univers, le Dieu de la Destruction Beerus s’est réveillé, et se rappelle d’une légende faisant mention d’un certain « Super Saiyen Divin ». Avide de trouver un adversaire à sa mesure, Beerus part en quête des derniers membres de cette race en compagnie de son valet, Whis, et finit par rencontrer Son Goku. Notre héros ne peut rien faire face au Dieu qui, dépité, menace de la détruire la Terre pour combler sa déception. C’est alors que nos héros ont une idée pour calmer Beerus : faire appel à Shenron pour en apprendre davantage sur le fameux « Super Saiyen Divin »…
Si cette trame vous donne un sentiment de déjà-vu, c’est à juste titre : il s’agit exactement du scénario du film « Battle of Gods ». En effet, plutôt que de s’appuyer sur les deux derniers films pour partir directement sur de nouvelles bases, la série animée a préféré en relater les évènements dans ses deux premiers arcs. Et c’est donc ce que l’on retrouve ici, à quelques modifications près. Toyotaro s’autorise même quelques ellipses (l’arrivée de Beerus sur Terre) pour plonger directement dans les combats. Plus surprenant encore, le contenu entier du second film, « Fukkatsu no F », passe ici complètement à la trappe ! Cela s’explique par le fait que Toyotaro avait déjà réalisé une version papier du film pour sa sortie, et n’a pas pris la peine de dessiner à nouveau les mêmes chapitres. Pour autant, qu’est-ce qui empêchait l’éditeur de les y insérer dans cette version reliée ? Rien, sinon peut-être le fait d’arriver le plus rapidement possible à un contenu inédit par rapport aux longs-métrages ! Toyotaro ironise lui-même sur cette décision, comme d’ailleurs sur beaucoup de points et d’incohérences éludées par la série animée, qui trouvent ici un semblant d’explication. Mais pour ne pas être complètement largué, il faudra être un vrai inconditionnel de l’univers Dragon Ball, voire de l’ensemble du monde créé par Toriyama (coucou Jaco!).
La seconde partie embraye donc sur le contenu exclusif à la licence « Super », où l’on apprend que l’univers que nous connaissons n’est pas unique ! Plus précisément, il est le septième sur une série de douze, et nos héros devront bientôt affronter les champions venus de l’univers 6, jumeau du leur… L’enjeu de ce défi : les Super Dragon Ball, orbes de la taille de planètes, dispersées entre ces deux univers, permettant d’invoquer Super Shenron pour réaliser de super vœux. Super ! Là encore, Toyotaro va droit à l’essentiel sur les explications, préférant aller au plus vite vers les combats. On perd ainsi quelque peu le charme des retrouvailles avec nos personnages favoris (ce qui était bien plus maitrisé par Toriyama au début de l’arc Buu, par exemple), mais force est de constater que, globalement, le charme opère. Cela est possible avant tout grâce au talent de copycat du dessinateur, dont le style se confond admirablement avec celui de Toriyama, même si cela passe par fois par quelques décalquages un peu grossier pour le lecteur alerte et assidu. Un « hommage », dira-t-on. Mais mis à part certaines séquences explicatives très bavardes (on a rarement vu autant de texte par phylactère à l’époque), les phases de combats surprennent par leur dynamisme percutant. En conséquence, beaucoup de fan ont préféré cette version papier à l’anime, à la mise en scène poussive voire catastrophique dans ses trois premiers arcs.
Ce premier tome de Dragon Ball Super reste donc plaisant dans sa narration et son graphisme, mais bancal au vu des parties manquantes et/ou trop expéditives de son scénario, même si l’on sent rapidement un rééquilibrage dès lors que l’on aborde un contenu inédit. Et le dérivé promotionnel laisse peu à peu place à une alternative crédible à la version animée, épargnée par ses scories et se permettant même d’en corriger certains aspects narratifs. Cependant, le tout reste très bon enfant, bien loin de l’intensité dramatique des meilleurs passages du manga original, donc pour s’écrier « super », il faudra encore attendre un peu.
Alain Broutta
DRAGON BALL SUPER (—) volume 1 de TOYOTARO, d’après Akira TORIYAMA (2015)
Action/Aventure, Japon, Glénat – Shonen, avril 2017, 192 pages, livre broché 6,90 euros