Des trésors. Nous avons ici affaire à des trésors du cinéma d’après guerre, réalisés par le grand Kon Ichikawa, figure de proue du cinéma japonais Nouvelle Vague. Évidemment ce n’est qu’une infime parcelle de la gigantesque filmographie de ce réalisateur des plus prolifique, qui durant sa carrière cinématographique (s’étendant sur 60 ans, de 1946 à 2006) a enchaîné pas moins de quatre-vingt-huit films. Sont donc présentés dans ce luxueux coffret trois grandes œuvres emblématiques du premier tiers de cette période : Kokoro (1955), La Harpe de Birmanie (1956) et Seul sur l’Océan Pacifique (1963). Ce dernier, le seul à avoir été filmé en couleur, s’est vu attribuer le prestigieux prix Geijutsu Sai en 1963.
En analysant ces œuvres de plus près, on peut se rendre compte que Kon Ichikawa est un conteur. Que ce soit sur un registre dramatique comme dans le splendide La Harpe de Birmanie, qu’il s’agisse de l’analyse rétrospective et tragique d’une vie mêlée de mélancolie et de sentiments contradictoires doux-amers (Kokoro) ou encore de l’incroyable et véridique aventure humaine que représente Seul sur l’Océan Pacifique, le réalisateur filme simplement la vie en débordant d’un humanisme constant, chérissant les moindres détails, où l’optimisme et le désespoir forment une nature humaine intemporelle, mettant en scène des hommes et des destins hors du commun. Il n’est qu’à voir, dans La Harpe de Birmanie, ce moment vibrant d’émotion où après avoir dégagé un chariot de poudre en chantant, les soldats japonais se retrouvent face à la troupe ennemie et entonnent à grande voix le Home Sweet Home célébrant l’armistice tandis que le Capitaine Mizushima les accompagne à la harpe… rare et bouleversant, un moment où ne restent que les hommes dans leur nature la plus nue. A noter également que malgré l’ancienneté de ces films, la partition musicale joue déjà un grand rôle, servant avec maestria les états d’âmes des différents protagonistes et magnifiant les séquences à forte teneur émotionnelle.
A la fois empreints de modernisme et de traditionalisme, engagés et d’une poésie constante dans le moindre cadrage, rythmés et avant-gardistes, les films du grand Kon Ichikawa, malheureusement décédé en 2008 après une vie entière dédiée au 7ème Art, étaient tout cela et bien plus encore. Remercions les éditions Carlotta d’étoffer leur collection de films introuvables et méconnus, rendant ainsi ces trois chefs d’œuvres accessibles au plus grand nombre. Nul doute qu’ils marqueront durablement ceux qui s’y plongeront.
Ces films devraient figurer au programme de toute bonne école de cinéma.
Éditeur : Carlotta Films
Pays : Japon