ARTE volume 6 de Kei OHKUBO

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Yuri commence le récit de la vie de Caterina, depuis sa naissance. Suivant les traditions de la famille, étant de plus une fille, elle est confiée aux bons soins d’une nourrice et « expatriée » dans une maison de campagne. On pensait que l’air de cet endroit était mieux pour eux et le fait d’être allaitée par quelqu’un d’autre fatiguait moins la maitresse de maison. Caterina se retrouve donc confiée à une servante, Bona, qui est elle-même accompagnée de son fils de 2 ans. Étant très serviable, enjouée et dynamique, elle finit par devenir un point central de leur nouvelle demeure, faisant la cuisine, le ménage, etc. Même la petite Caterina est prise d’adoration pour elle, la prenant pour sa mère et essayant de répéter ses moindres gestes, y compris lors de ses tâches quotidiennes. Comme elle a été « oubliée » par son père, dont elle ignore quasiment l’existence, rien ne l’empêche de faire ce qu’elle veut, même si cela est bien loin de son statut. Elle trouve un allié avec son oncle Youri, seul parent qui vient la voir, et qui l’encourage à faire ses activités ménagères. Mais un jour Bona meurt subitement et Caterina est d’autant plus troublée car elle est repoussée par sa nourrice et son fils, arguant qu’ils ne sont pas du même monde. Choquée par ces propos, ce n’est pas l’accueil qu’elle reçoit en revenant enfin dans sa vraie famille qui l’a réconfortée. C’est à ce moment-là qu’elle décide de jouer la comédie avec son père et sa mère…

Même si nous en apprenons un peu sur la vie des aristocrates à l’époque et découvrons une autre facette de Venise (Murano et son artisanat du verre), les points centraux de ce 6ème tome sont Caterina et son histoire. Nous connaissons enfin l’origine de son comportement : la peine de la perte de sa nourrice et du rejet de son frère d’adoption, la frustration lors de son retour chez ses parents, les joies qu’elle a connues dans sa maison de campagne. Nous découvrons une enfant intelligente, dynamique mais aussi profondément blessée par ce qu’elle a vécu. En apprenant tout ceci et en se référant à sa propre vie, Arte va poser un œil neuf sur Caterina, sa famille et son entourage. Elle se rend compte que la petite fille est presque transparente pour tout le monde et une conversation qu’elle surprend entre le père et la mère ne la rassure pas. La jeune femme va devoir agir avec discernement pour faire bouger les nombreux préjugés qui sont en place. Nous en revenons donc à une question cruciale pour cette époque alors que nous pourrions penser que tout va bien vu leur cadre de vie : quelle est la notion du bonheur pour les enfants aristocrates, notamment les filles ? Qu’est-ce que l’on attend d’elles, quels sont leurs désirs, sont-ils écoutés et surtout comment sont-elles vraiment acceptées ? Même si ce tome évoque le passé et la situation actuelle de Caterina, il parle donc aussi de la place de la femme dans la société de l’époque. Avec justesse, et également le caractère un peu rentre dedans et décalé d’Arte, Kei Ohkubo revient sur la condition des filles, des épouses, de leurs devoirs mais aussi de la charge qu’elles « imposent » à leur famille. Elle nous dépeint un monde codifié, étriqué, dans lequel elles sont quasiment « prisonnières ». L’attitude d’Arte ne fait que rendre encore plus flagrant leur vie qu’elles ne semblent pas maitriser. Bien sûr il devait exister des exceptions mais dans l’ensemble elles n’avaient probablement qu’une illusion de liberté. La fin est un peu plus légère, en présentant le quotidien de Léo en l’absence de sa disciple. Comme une partie de son entourage, lui aussi se rend compte qu’elle lui manque. Tout cela fait que la qualité de ce manga ne faiblit pas. Scénario et dessins sont toujours à l’unisson pour un ensemble dynamique, agréable à lire et à découvrir. C’est une vraie réussite et on en redemande.

Fabrice DOCHER

ARTE volume 6 de Kei OHKUBO (2013)

Tranches de vie/histoire/art, Japon, Komikku éditions, décembre 2016, 192 pages, livre broché 7.90 euros

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