D’abord fascinée par Véronica, la cliente dont elle doit peindre le portrait, Arte découvre que derrière son sourire, se cache une personne froide et calculatrice. Son métier de courtisane lui impose certaines règles et en refusant l’amour, en se montrant parfois cruelle pour arriver à ses fins, elle s’est hissée à une place très importante. Mais Arte a du mal à accepter ses principes et finit par ne plus aller la voir. Même à l’atelier cependant, elle n’arrête pas à penser à elle et à sa position face à l’amour. Etre indépendante nécessiterait donc d’être aussi dur envers les autres ? La jeune femme n’arrive alors même plus à se comporter correctement avec Léo et à comprendre réellement ses sentiments envers lui…
Si on suit toujours les pérégrinations d’Arte, ce volume parle aussi beaucoup de la condition de la femme à cette époque. De par sa naissance et la liberté que lui a laissée son père, Arte a un esprit très fort, elle a pu faire beaucoup de choses qui lui plaisaient et elle a les moyens d’arriver à être indépendante. Mais pour les autres femmes, si elles ne sont pas de bonne naissance, c’est beaucoup plus compliqué, car comme le rappelle Véronica : la vie est impitoyable avec elles. Conditions de travail, accès à certaines tâches, constitution de la dot, dépendance vis-à-vis des hommes, éducation : les obstacles sont nombreux et parfois insurmontables. Ces descriptions fort précises vont de pair avec le dessin très minutieux du manga (tant sur les décors, les personnes que les habits), offrant une plongée réaliste dans la Florence du début du 16ème siècle. Cela compte aussi pour le métier d’artiste dont ce dernier, au milieu des ateliers et des œuvres qu’il crée, doit pouvoir en vivre en ayant suffisamment de commandes, comme le dit Léo. Et au milieu il y a Arte, qui traverse tous ces obstacles, rencontre toutes ces personnes différentes, armée de sa seule volonté inébranlable (et de son talent aussi). Face à tous les préjugés, à tous les refus selon le prétexte qu’elle n’est « qu’une femme », elle n’aura de cesse de se battre pour arriver à son but : pouvoir vivre par ses propres moyens. Mais il reste encore le problème de l’amour… Pour cela nous devrons rechercher la réponse dans les prochains tomes. Ce 2ème volume confirme l’excellente surprise qu’est ce manga, où la fiction se mêle admirablement bien à l’histoire. C’est un magnifique portrait de femme, présenté dans un écrin de toute beauté. Il a sans problème sa place au niveau des nombreux titres de même genre qui sont sortis ces derniers temps et mérite amplement d’être découvert.
Fabrice DOCHER
ARTE volume 2 de Kel OHKUBO (2013)
Tranches de vie/histoire/art, Japon, Komikku éditions, novembre 2015, 194 pages, livre broché 7.90 euros