Du 31 mai au 5 juin se tenait à Annecy le 23e Festival International du Film d’Animation. Festival placé sous le signe de l’émotion avec l’hommage à Jean-Luc Xiberras, directeur de cet événement depuis 1982 et décédé en décembre dernier et, sous le signe de la découverte avec pour invité d’honneur cette année, le Japon. Récit d’une semaine chaude chaude chaude, mais tellement humide !
J – 180…
Malgré son internationalité, ce festival se voulait essentiellement européen. Un peu plus de 80 % des productions venaient directement du vieux continent (le reste provenait du nouveau). Une ère chrétienne en pleine fin de millénaire, des prophéties toujours en attente et une Europe en pleine guerre, la vision de bon nombre de films penchait plutôt vers la morosité. Le pessimisme était de rigueur, les images étaient sombres, la musique grave et le message incertain tout comme cet avenir dont on a fixé la limite au mois de décembre prochain.
Fort heureusement, certains savaient sortir du lot, et le jury du festival a su les récompenser. En effet, la plupart des premiers prix se sont vus attribuer à des oeuvres plus colorées et plus humoristiques, telles que AU BOUT DU MONDE de Konstantin Bronzit (tout droit sorti des Studios Folimage) récompensé à trois reprises pour sa qualité générale et son humour. Ou comme KIRIKOU, premier prix du Long métrage de fiction, entièrement mérité pour cet hommage rendu au plus beau continent de la planète mais aussi au plus délaissé. Et comment ne pas oublier LES CAILLOUX DE TÊTEMPOIRE pour son originalité ou THE BEAR pour sa pureté ou encore A VIAGEM pour sa «majestuosité» : tous récompensés et avec mérite.
Mais bon…
Mais bon, dans Asie News, il y a Asie, parlons donc du continent qui nous intéresse. Malheureusement, il était peu (pour ne pas dire très peu) représenté, si ce n’est un film de la République de Corée : ASHES IN THE THICKET d’une beauté captivante, rien ne provenait de l’Est du planisphère (1).
Fort heureusement, l’archipel nippon était l’invité d’honneur de ce festival, ce qui a permis à tous et à chacun de découvrir l’Histoire japonaise du film d’animation.
Plusieurs rétrospectives nous replongeaient dans le passé aux techniques traditionnelles des années 20 avec Akagaki Genzo jusqu’au présent des technologies informatiques avec Koji Morimoto. 80 années d’histoires à jamais traumatisées par les événements d’août 1945. Tezuka, décédé depuis 10 ans déjà, nous dévoilait ses expérimentaux ainsi que ses plus beaux chef d’oeuvres comme THE LEGEND OF THE FOREST ou l’inimitable JUMPING. Niveau long métrage en présentation, MONONOKE HIME (info officielle, Miyazaki travaille actuellement sur son prochain long métrage) faisait office de cérémonie d’ouverture ; alors que sur l’écran géant près du lac, le public a pu admirer LUPIN, LE CHATEAU DE CAGLIOSTRO, premier film de Hayao Miyazaki et dont la réalisation ne demanda que cinq mois de travail (ce qui ne gâche en rien la qualité du film, surtout pour cette époque : 1979) et l’unique oeuvre d’art du cinéma mondial : TONARI NO TOTORO (ils sont peut-être deux avec LA GUERRE DU FEU !) malheureusement, la version était en français, ce qui réduisait énormément le plaisir de le revoir.
Plusieurs conférences ont eu lieu au majestueux Imperial Palace d’Annecy qui regroupaient bon nombre d’artistes japonais. On y discutait de technique, de philosophie et surtout de business. Yasuo Otsuka, un des grands de l’animation japonaise et maître à penser de Miyazaki et de Takahata nous dévoilait sa nostalgie et son amour pour l’art de l’animation ; le couple Uruma Delvi nous fournissait la preuve que l’on peut être totalement indépendant et vivre de l’animation ; quant à Morimoto (2) sensei, son caractère marginal et son style underground nous rassurait sur l’avenir de l’animation nippone qui donnait plutôt l’impression depuis le début de la décennie de s’engouffrer dans une surproduction massive d’images statiques. Morimoto sama, domo arigato gozaimasu !
En ce qui concerne le compétition, quelques productions nippones étaient de la partie. Pour les courts métrages, Morimoto toujours nous présentait son ONKYO SEIMEITAI NOISEMAN, images subliminales et déferlantes sur une musique destroy de Yoko Kano, cela donne une oeuvre strange mais énergique. Autre court en compet, 1001 NIGHT de Mike Smith (attention cet individu est un japonais !) 23 minutes de mouvance sur un style Yoshitaka Amano : c’était beau, mais malheureusement trop long. Un programme de TV signé Uruma Delvi (Mr et Mme Kobayashi pour les intimes) : SHIKATO ou comment la simplicité vient au service de l’efficacité, une vingtaine de sketchs de 30 secondes à peine, pour nous montrer des élans en plein élan ; un programme qui méritait un prix ; en tout cas, si vous avez l’occasion de le voir, ne le ratez pas. Un long métrage figurait aussi parmi les compétiteurs : JIN ROH, première oeuvre de Hiroyuki Okiura avec Mamoru Oshii au scénario. Après le thriller psychologique PERFECT BLUE, voici le thriller politico militaire JIN ROH. Film intéressant, des scènes d’animation remarquables mais un peu trop rares (à la GHOST quoi) et surtout, une première demi-heure qui nous replonge bizarrement en A-D-2019 NEO TOKYO.
Voilà pour les compet, mais je ne peux m’empêcher de féliciter Miss Maya Yonesho, pour la présence de sa dernière oeuvre INTROSPECTION en compétition dans la catégorie film de fin d’étude, Maya congratulation for your work !
Voilà c’en est terminé pour Annecy 99, alors à l’année prochaine. La guerre sera finie, l’an 2000 sera passé et Nostradamus aura eu tout faux (tout au moins Paco Rabane !), la prochaine édition sera donc festive et folklorique. Alors réservez votre hôtel, achetez vos billets et en route pour la capitale de la Haute-Savoie, pas de top model, pas de L’Oreal, pas de footballeur, pas de Sophie Marceau, que des artistes (des vrais), du fun, du soleil et un émerveillement perpétuel. (3)
(1) il y avait deux films iraniens et plusieurs réalisations australiennes, mais pour le rédac chef, l’Iran ne fait pas partie de l’Asie, et pour moi-même, l’Australie n’en fait pas partie non plus, à vous de débattre !
(2) Morimoto travaille actuellement sur son premier long métrage : AMER BETON prévu pour 2001, à condition qu’il puisse réunir les fonds nécessaires. Car comme il le disait lors de la présentation du pilote de 5 minutes, “il nous a fallu 8 mois pour le réaliser, mais les 6 derniers mois ont été très difficiles”. On ne peut donc souhaiter que bon courage à la société Trilogy.
(3) pour ceux qui ne pourraient patienter jusque là, rendez-vous au 2e Anim’Asia, Festival de Cinéma d’Animation Asiatique, organisé par Asiexpo, en nov. 99.
Pays : France