Touta et Hitsujiko, deux jeunes enfants échouent, séparément et totalement par hasard, sur une île déserte, au fin fond du sud du Japon. Très débrouillard car conditionné, auparavant, par son père Touta leur permet de survivre plusieurs années de façon autonome. Recueillis ensuite par des scientifiques de passage, les deux enfants réintègrent le monde. Devenus adolescente Hitdujiko intègre une université de Tokyo, tandis que son « frère » prend la fuite et finit par échouer à Tokyo aussi. Mais c’est un Tokyo métamorphosé par les catastrophes engendrées par la puissance humaine. Températures tropicales et leur lot de maladies, immigration raisonnée qui fait naître des quartiers entiers musulmans, d’où l’émergence de fascisme des Japonais de souche, mais aussi une immigration clandestine qui vit sous terre. De ce monde interlope émerge, entre autres, Leni, un adolescent qui choisit son sexe selon la situation ou le lieu dans lequel il/elle se trouve. Il/elle se lie d’amitié avec un corbeau nommé Kroy.
Dans ce contexte apocalyptique, Furukawa Hideo crée un monde radicalement personnel où le foisonnement des intrigues et des personnages explose littéralement. Il part d’éléments de notre quotidien, de notre réalité et les pousse à leur paroxysme. Tokyo est, par exemple, envahie par des floppées de corbeaux à gros bec qui se nourrissent des amoncellements de détritus que la mégapole produit sans limites. De cette écriture foisonnante naît cependant un engluement à l’image du marasme qui émerge de cette cité condamnée, métaphore du devenir humain. Un roman d’une maîtrise totale où l’auteur met ses tripes à nue en écrivant ce « chant à la gloire des corbeaux » qu’il présente comme très intelligents et peut-être même les futurs Tokyoïtes !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Soundtrack de Furukawa Hideo, traduit par Patrick Honnoré, 624 p. , 13 €, poche, éd. Philippe Picquier.