S’aimer dans la grande ville de Sang Young Park paraît à la Croisée.

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La grande ville c’est Séoul. Les amours, ce sont les nombreuses aventures queer du narrateur Young qui a beaucoup de ressemblances avec son auteur. Et puis ses 2 grandes romances racontées jusque dans les détails.

Car le livre narre le quotidien d’un étudiant « millenial », apprenti écrivain sur une décennie rythmée par les fêtes, les beuveries et les rencontres d’un soir avec Jeheong, la bonne copine avec qui il partage son appartement mais aussi ses « histoires de mecs ».

Young est maintenant un trentenaire cultivé et sociable. Il a terminé ses études au département de Français et Jeheong va se marier. Dans l’intervalle, la mère du narrateur est atteinte d’un cancer. Il s’occupe alors d’elle et met un frein à sa propre vie. C’est là qu’il rencontre un éditeur énigmatique bien plus vieux que lui. C’est l’amour, croit-il, mais ils n’ont pas grand-chose en commun si ce n’est la solitude. Et c’est lorsqu’il décide de le présenter à sa mère qu’il disparaît.

Suivra Gyuho, l’autre grand amour du narrateur, mais il faudra lire le roman !

Sa grande beauté vient de ce lien entre amours et grande ville du titre. Sang Young Park les lie souvent avec poésie comme dans ce passage: « ville de beauté, musique assourdissante. Yeux noirs, cheveux courts… ». Presqu’un poème. La traduction de Kyungran Choi et Pierre Bisiou en rend admirablement compte. De même pour l’humour du narrateur, à la fois drôle et tranchant : « Moi, 18è dan en dissimulation de curiosité », ou bien « J’ai une tête de Nolbu ! » Un grand plaisir de lecture donc pour un roman qui aborde différentes sortes d’amour : sentimental, filial mais aussi égocentré.

L’autre intérêt du livre est de nous donner une vision sans filtre et donc très juste de la jeunesse coréenne prise entre ses aspirations mondialisées abreuvées à la culture américaine et la société coréenne très conservatrice, donc corsetée. L’homosexualité y est encore un tabou. Alors quand, l’été 2010, Young apprend sa séropositivité « due à ce connard de K », il la prénomme « Kylie » comme la chanteuse dont il écoutait l’album à cette époque : Aphrodite de Kylie Minogue. L’impérialisme US s’insinue partout !

Un roman qui se lit comme un drama avec des qualités stylistiques en plus. Les producteurs, qui l’adaptent en série et cinéma, ne s’y sont pas trompés. C’est le 2è titre de ce jeune auteur prometteur de 36 ans qui a déjà rencontré un vif succès en Corée. Souhaitons-lui le même en France.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

S’aimer dans la grande ville de Sang Young Park, roman traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou, 240 pages, 21,10€, éd. la croisée. En librairie le 21 août.

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