J’ai grandi à Pékin. La capitale ne me semblait faite alors que de terre cuite des murs de briques grises, de vieilles maisons entassées. Çà et là, les portes ceinturées de cuivre et revêtues d’un rouge brillant, trônaient dans les avenues, les lions en pierre gardaient le seuil des portes, les arbres couraient le long des rues. Telles sont les images de mon enfance.
Petite, à la maison, j’aimais beaucoup observer les aspérités des murs. Les fixant attentivement, j’avais l’impression que ces taches minuscules se transformaient en un fil continu, qu’un dessin prenait forme peu à peu. Cette activité a constitué l’animation préférée de mes jeunes années.
Peindre était un rêve d’enfant et mon imagination m’a souvent emmenée vers d’innombrables destinations. Tout en étant emportée par le courant de la vie, mon attention était de plus en plus captée par les éléments calmes et reposants. Un nuage, une goutte d’eau, des galets sur une berge, un bouquet d’arbres à la tombée du jour, une immensité désertique, une vallée sans fin : toutes choses m’ayant portée naturellement vers l’évocation et la création à l’aide d’un langage sans limites ni paroles.
L’art est cette langue que j’aime utiliser pour exprimer tout ce que je ressens face à un environnement apaisant, grandiose, rempli d’harmonie.
Lao Zi écrivait :
« Crée en toi le vide parfaitement,
Préserve ta sérénité pleinement,
Maintiens la quiétude intégralement,
Toutes les choses peuvent alors surgir à la fois. »
Lorsque je me retrouve seule, mon plus grand plaisir est de savourer une tasse de thé vert aux reflets limpides. Profitant du calme de la nuit, j’ai tout loisir de déployer de grandes feuilles de papier blanc, et de créer la rencontre entre un pinceau gorgé d’encre et le papier immaculé.
Ma main parvient alors à capter l’énergie circulant entre ciel et terre, née d’un univers spirituel. Mu par cet esprit, le trait noir contient en lui une force vitale. Dissoute dans l’eau, l’encre imprègne le papier et laisse un léger relief. J’observe alors sous mes yeux, comme un vaste ciel où un nuage flotte et s’étire, soufflé par le vent, poussé vers l’infini, entraîné par un mouvement perpétuel.
Et souvent résonnent en mon coeur ces vers de Tao Yuanming :
“Dans les fumées du crépuscule, la montagne est magnifique,
Les oiseaux en volant ensemble y retournent,
Dans tout cela réside une signification profonde,
Sur le point de l’exprimer j’ai déjà oublié les mots. »
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Vernissage le jeudi 18 mai 2006 à partir de 19 h
Ouvert mercredi de 18 h à 21 h et samedi de 14 h à 20 h
Date : du 18 mai au 17 juin 2006
Lieu : Galerie Librairie Impressions, 98 rue Quincampoix, 75003 Paris