À sept jours du vote pour élire le président de la Chine démocratique (l’ancienne Formose), le titulaire en titre est victime d’une tentative d’assassinat. Il en réchappe. Il était largement distancé par son concurrent le plus sérieux. L’attentat a pour conséquence de réduire considérablement son retard dans les sondages. Les habitants de Taïpei ont une grande ferveur pour la compassion.
L’enquête révèle très vite des incohérences dans le déroulé de l’attaque. À commencer par la présence de deux tireurs d’élite sur les lieux. Sans qu’aucun n’ait fait feu. De plus, deux douilles vides sont retrouvés dans une chambre d’hôtel sur le parcours du candidat où l’un des deux tireurs s’est trouvé. Sans parler de deux balles en métal différent retrouvées près du prétendant à sa succession.
Le directeur adjoint de la police de Taïpei, Lu, malgré son énergie et sa détermination ne sait plus quoi penser des indices contradictoires qu’il recueille. Tout comme le lecteur qui se retrouve à suivre de nombreux personnages plus interlopes les uns que les autres.
La découverte du coupable presque par hasard égare plus encore. D’autant qu’il est un ancien camarade d’école primaire du président. Ceci justifie-t-il le mobile ? Sans compter qu’une discrète fondation fricote avec les deux candidats en tête. Serait-ce que les dés sont pipés avant même le début du vote ?
Plusieurs éléments se surajoutent à l’enquête officielle au travers des rapports entre les personnages. L’amitié masculine, plus particulièrement, joue un grand rôle dans le récit. Une multitude de relations plus ou moins sincères se nouent au fil de l’intrigue pour le plus grand plaisir du lecteur. Si bien que la fluidité du récit s’en trouve continuellement agrémentée.
Plus que l’enquête même, ce qui saute aux yeux, c’est que Chang Kuo-Li prend un réel plaisir à camper des personnages haut en couleur. Ils lui permettent de distiller ses renseignements sur l’enquête par un compte-gouttes savamment dosé et sans en avoir l’air. Du grand art ! Souvent au second degré, les dialogues dramatisent ou piquent la curiosité du lecteur dans de nombreuses scènes.
Manifestement, l’auteur se passionne pour les jeux de pouvoir. N’a-t-il pas été directeur en chef d’un journal ? Avec subtilité, il démonte les rouages tortueux du fonctionnement de la société de Taïpei. Au travers du roman, le lecteur perçoit comment l’imbrication des différents niveaux sociaux : la police, la politique, le milieu, autrement nommé, les triades et bien d’autres groupes sociétaux encore interagissent et ce, de façon pas toujours civilisée.
Un roman à mettre entre toutes les mains tellement l’interaction des relations humaines sont finement analysées et retranscrites sans toutefois négliger l’intrigue et ses fondements informels.
Notons qu’une ancienne enquête de Li sort en même temps en poche. On y retrouve le même univers tortueux à souhait (1).
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Le sniper, son wok et son fusil de Chang Kuo-Li, collection Folio policier, éd. Gallimard.
Le sniper, le président et la triade de Chang Kuo-Li, 450 pages, 21€, collection Série Noire, éd. Gallimard.