Plus que le quotidien morose de la narratrice indienne dans une université anglaise, ce sont surtout ses heurs et malheurs en Inde de son maître potier : Elango, qui agrémentent le nouvel opus d’Anuradha Roy, Le cheval en feu.
En effet, ce magnifique titre est le symbole de l’intolérance que veut dénoncer l’autrice. Suite à un rêve, Elango modèle un cheval en argile de grande taille. Au fil des pages, ce présent s’affirme comme la métaphore de son amour pour Zhora.
Les lignes sur le sentiment amoureux d’Elango sont magnifiques. D’ailleurs, Zhora n’est pas insensible aux arguments du potier. L’écriture subtile de l’autrice les conduit à se rapprocher jusqu’à envisager de se marier.
Oui, mais voilà, Zhora est musulmane alors qu’Elango est hindou. Et dans l’Inde communautariste, pareil rapprochement suscite de fortes réprobations. Si le père de Zohra, un calligraphe presque aveugle, semble accepter le jeune homme pour gendre, il n‘en va pas de même pour la famille du potier. Les tensions montent, attisées par Akka, une voisine acrimonieuse et manipulatrice.
La violence inter-ethnique n’est pas la seule à préoccuper l’autrice. Celle, plus sournoise, des gens entre eux, mérite d’en rendre compte. C’est par la mère de la narratrice que le lecteur prend connaissance des affres de la vie quotidienne en Inde. Notamment, au travers d’un couple agressé sur une route sans que personne ne lui vienne en aide.
Mais tout n’est pas noir dans ce délicat roman. Elango, après avoir recueilli le chien Chinna, le laisse vagabonder. Métaphore même du lien possible entre les habitants du village.
Le poème en Ourdou gravé par le père de Zhora sur le cheval d’Elango est très beau et presque irréel tellement il tombe sous le sens.
On en oublie presque le spleen anglais de la narratrice qui lie tout de même une sincère amitié avec une autre apprentie en poterie. De belles pages d’une authentique sororité.
On s’étonnera tout de même d’un style uniformément neutre pour raconter pareillement l’Inde et l’Angleterre.
Et s’il est, bien sûr, nécessaire de dénoncer l’intolérance, il reste à se demander si l’art est bien l’arme à même de l’inquiéter. Et, surtout, s’il en existe une.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Le Cheval en feu d’Anuradha Roy, roman traduit de l’anglais (Inde) par Myriam Bellehigue, 272 pages, 22,50€, éd. Actes Sud. En librairie le 1er novembre.